– PATMOS :
L’étape suivante commence à Patmos où je me suis amarré provisoirement “à l’anglaise”, “longside”, “alongside”, sur le côté, tout ça est synonyme, devant un gros catamaran, les autres places étant disputées par trois bateaux de loc arrivés au sprint pour se mettre cul-à-quai sur le môle principal, dos au nord … Le vent est faible mais de secteur sud, et va se renforcer. Je déménage en face de l’autre côté du bassin, un peu loin de la ville.
Le lendemain les rafales dépassent les 35 noeuds. L’un des bateaux de loc dérape (son ancre chasse) et emporte le mouillage des bateaux sous son vent. Un pauvre danois parfaitement amarré traverse tout le port en dérivant, une aussière entortillée autour de son hélice; un skipper belge plonge couper le cordage, et tout le monde applaudit quand il arrive à se libérer. Ceux qui ont fait le choix de l’autre côté du port attendent comme moi que la météo s’améliore.
C’est assez souvent le cas: quand on a une place sûre au port il vaut mieux savoir patienter. Ou mouiller au-dehors tranquille.. Que devient le bateau si l’on n’est pas à bord et qu’on vous décroche votre ancre? Le 8 mai on appareille pour FOURNOI.
– FOURNOI :
FOURNOI (prononcer Fourni) est l’une des îles préférées des navigateurs en mer Egée Est. Ile jolie, méconnue, pas trop abîmée par l’époque, dont j’aimerais dire du bien après avoir été peu tendre avec Patmos.
Le sud a faibli. Mais il n’y a aucune place dans le port de FOURNOI, Il n’y a pas non plus de yacht de passage. Le port est plein de pêcheurs et de bateaux d’une société, ‘Axion’, dont le personnel, nombreux, se comporte en maître des lieux, ils n’ont pas loin de dix bateaux ici … J’apprendrai qu’ils promènent un congrès de ‘doctors’ d’île en île sur leurs joujous de 1500 CV !
C’est juste un mauvais jour pour visiter FOURNOI.
On se met à l’extérieur du quai avec PONYO, vent nul, prévu faible cette nuit. A peine sommes-nous amarrés, qu’un petit ferry de rien du tout arrivé au ralenti, fait naître une série de vagues verticales qui menacent de nous jeter sur le quai en écrabouillant les défenses ou le liston et les chandeliers. Le ‘port police’ dit qu’il ne peut rien faire … mais que je peux rester là où je suis, c’est la place la moins mauvaise; pas de ferry avant demain soir.
(à gauche 2 bateaux, 5 moteurs, 2500 CV …
… à droite on a sorti toutes les défenses .. Deux mondes ! )
Le matin c’est une équipe de chantier qui me rappelle que certains travaillent: d’ailleurs ils doivent intervenir juste sous l’endroit où je stationne; non ça ne peut pas attendre,” mais on peut vous déplacer”. Je n’en doute pas, mais je choisis de m’en aller. En partant je croise … le ferry de 9 heures. Peut-être que ces gars-là viennent de m’éviter un genre de dégât des eaux!!
– ICARIA – THERMA :
Bon, la poisse n’a qu’un temps, on reverra FOURNOI plus tard. J’ai envie de découvrir ICARIA. Vaste, sauvage, battue des vents, peu de ports fiables. des rabattants par vent de nord, très peu d’abris par vent de sud. .. En attendant le vent m’y porte, pas très fort, et sous foc seul. J’ai repéré la baie de THERMA, connue pour sa grotte d’eaux chaudes en bord de plage.
Le vent n’a pas encore tourné. La chance si : il n’y a qu’une place dans la baie, et il n’y a aucun autre bateau en vue. Un peu plus de vent sans doute cette nuit. Mais j’irai au port voisin de KIRYKOS demain matin. Aujourd’hui c’est tourisme thermal et petits poissons (ceux qui vous grignotent les jambes). Je gonfle l’annexe, y jette une serviette et deux vêtements propres, et de nouveau le temps s’arrête …
Et puis mes pieds m’amènent au-dessus, entre Therma et Agios Kirykos, quelques kilomètres au sud … Après la taverna … il commence à faire chaud!
La nuit sera agitée. La houle rentre, la baie est petite; je suis à 25 mètres de l’enrochement. “Audentes fortuna juvat”… (la fortune sourit aux audacieux). Au matin je vais mettre le bateau à Kirykos pour louer un scooter et visiter l’île d’Icaria.
– ICARIA – EST: (jusqu’à Evdilos, au milieu de la côte nord)
Ces petits scooters Honda 110cc sont du tonnerre: ils ne consomment rien et ont la pêche. Je ne connais pas grand chose de plus grisant que de rouler plein pot à flan de montagne, sur une petite route grecque qu’on ne connaît pas. Le vent du nord s’est levé. Les sommets sont accrochés par une brume mobile. Au col il fait froid et ça souffle. C’est une île comme je l’espérais, sauvage mais habitée en hauteur, très boisée; on s’attend à tout moment à traverser une châtaigneraie, mais non, ce sont des platanes à feuilles d’érable, des acacias, des chênes verts…
Il y a bien sûr Evdilos, un port que je voulais voir, un possible abri éventuel, barré comme Kirykos d’une immense digue en béton. Mais ici non seulement le port de pue pas, mais en plus le lieu est sympatique, familial et bon enfant. Un peu partout les gens vous saluent spontanément, à l’ancienne. Pourtant – ça n’en a pas l’air – l’été c’est blindé comme ailleurs. Des Icariens expatriés qui y reviennent pour les vacances; des touristes qui au vu de la situation internationale privilégient une destination pacifique.
Je crois que dans cette île assez brute de paysage, les locaux ne sont pas mécontents qu’on vienne un peu les envahir. Mais on ne sait jamais ce que les autres pensent: par exemple lorsque je dis à la serveuse en anglais qu’elle a l’air bien ‘sérieuse’ … elle ne comprend pas “serious”. Alors je le lui traduis par un “Eisei sovari” que je crois irréprochable. Et elle se fige, la main sur le coeur, comme si je lui avais fait le plus beau compliment possible. Diable! le jour où la même tentative sera perçue comme une injure, je me dirai probablement que quand on n’est pas sûr on ferme sa .. ( ) mais ce jour n’est pas arrivé!!
En rentrant, côte sud (sous le vent) les rafales sont impressionnantes, le vent lève par moment des paquets d’embruns; la surface se couvre de traînéees blanchâtres évoquant un état de la mer force 7 – 8. Je veille au guidon. Je m’arrête à la hauteur de Therma Lefkados. Je descends à pied jusqu’à la plage de galets que je longe; parfois je dois escalader des rochers. Je suis allé trop loin. Ici la source chaude n’est pas sous une grotte, mais au bord, entre les cailloux.
La mer fume, on le voit mal sur la photo. J’irais bien dans l’eau mais au bord elle est bouillante, et plus loin il y a beaucoup de ressac. Alors je regarde la mer, magnifique autant qu’infréquentable qui me fait face, balayée par des vents catabatiques qui ne plairaient pas du tout à PONYO, pourtant bien loin de ce que nous appelons communément “tempête” en français, que Google traduit par ‘kataygida’ ; aygida : auspices, kata : contre?
.. mais c’est sûrement moi qui fabule avec mon Googletrad !