DE CHOSES ET D’AUTRES… (1)

Le bateau, le vin, et pour de nombreux grecs l’ouzo .. ont cela en commun qu’on n’aime pas trop y voir de l’eau dedans.      Cela dit les chaussures (la veste de quart de base ne vaut pas mieux) d’une marque ‘andine’ bien connue non plus.

(astuce: pour avoir les pieds bleus, elles existent aussi en ‘marine’)

On apprend tout le temps… Venu jusqu’au quai principal d’Agia Efimia (Sainte Euphémie) … dans l’annexe à la rame pour acheter deux amarres de poupe, je reçois une alarme avec une sonnerie inhabituelle sur mon téléphone portable; c’est écrit en grec et ça s’efface aussitôt. No stress, me dis-je… et  je m’assieds dans la foulée..  🙂  au bord du quai,  tripatouillant l’objet dans l’espoir ingénu de retrouver le message quelque part dans “mes notifications”… J’y suis encore un bon quart d’heure après, têtu, lorsque levant la tête de mon écran je vois ceci:

Faut-il être assez idiot, pour laisser le virtuel, censé nous aider à tout avoir sous notre contrôle, occulter à ce point notre perception du réel! Evidemment j’ai laissé tomber mes achats illico, et suis retourné dare-dare au bateau en affutant mes coups de rames, façon galère-allure-de-combat.                                                                                                                                                                     A mi-parcours le vent était déjà assez fort pour rendre très incertain mon retour à bord, quand un voisin hollandais motorisé m’a pris en remorque dans les derniers mètres.

Alors oui, j’avais bien reçu une alerte météo sur le téléphone… Ce n’était finalement qu’un simple grain, mais la photo rend mal la noirceur électrique profonde et la subtile altération du son qui accompagne  l’approche de l’orage. Et j’aurais cette fois  tout aussi bien pu rester mouillé où j’étais. Mais le spectre des tornades de Girolata en Corse ou de Vlycho près d’ici (Lefkada) m’incitaient plutôt à envoyer toute ma chaîne.

Lesson-1 c’est le réel, l’important. Une fois comme ça j’avais  failli passer sur la tête d’un plongeur parfaitement signalé, quoiqu’à 6 milles des côtes, tout absorbé que j’étais  à paramétrer mon GPS dans le cockpit!

Lesson-2 il reste encore en mer des gens avec un sens spontané de l’entraide, le gars juste qui voit le petit coup de main qu’il peut vous donner sur le moment pour vous éviter de l’embarras ou la galère … C’est pas de la barre-de-céréales pour le moral, ça ; *

* en grec le “?” se note “;”

(et le “;” alors? .. ne manqueront pas de demander certains…  Avec un point au-dessus de la ligne, petits malins!)

ITHAQUE… AH! ITHAQUE…

 

 

 

 

 

 

 

 

Par où commencer?

Vathy, peut-être?:      saison-1

Arrivé le 20 septembre. Vathy est remplie de bateaux de location majoritairement loués par des anglais in ‘hollidays’…  Cette surfréquentation touristique,  enlaidit, dénature, et fausse tout: manoeuvres de port, mouillages, relations entre les gens…  Car les ports d’Ithaque sont de petits ports, de petits villages, il n’y a pas grand chose à faire ou à voir.  Les gens d’ici me semblent assez démunis face à ces nouveaux envahisseurs. Que faire avec eux, pendant trois mois, à part de l’argent puisqu’ils ne comprennent plus que ça:

Je suis un loueur: si je loue 10 bateaux dans le port, je gagne 20000 euros; si j’en loue 100 j’en gagne…   dix fois plus!                  Si un port dispose de 100 places, et que j’en ai loué 80; il y a 20% de cette manne qui m’échappe … Mais si je louais toutes les places je gagnerais…  encore davantage! Donc poussez-vous que je m’y mette!

Un jour, après avoir rêvé de Grèce à l’école, étudié sa pensée, sa mythologie, son théâtre,  lu maint récits de voyages, et de livres de mer, de Gerbaud à Janichon , des éditions Arthaud, d’Antoine… un jour donc on finit par acheter son bateau.            On n’arrive pas tout de suite à Ithaque; il en faut du temps, de la peine, avant de pointer son étrave dans cette belle baie.

Aussi quand on s’approche du quai principal bondé, bruyant, inaccessible, et qu’on n’entend quasiment pas parler un mot de grec,  on se dit qu’on s’est  trompé de destination, que si Moitessier revenait, il serait pris pour un plouc par la moitié de ces guignols.

Pourquoi venir de si loin pour retrouver ce qu’on connaît déjà?

Bientôt il n’y aura plus que des bateaux de loc: on nous chassera comme partout à coup de normes, de sécurité, de places privées, de promiscuité inculte et braillarde… on nous fera mouiller par 50 mètres de fond, sans possibilité de faire ni eau ni gasoil, et musique techno sur chaque plage du coucher au lever du soleil,  oui… on va vers ça :

Privé, défense d’entrer, chien etc..
"Privatisez vos vie si ça vous chante, mais pas la terre, la mer, l'air..."
Privatisez vos vies, pas la terre, la mer l’air

 

 

 

 

 

 

.. un monde où tout se ressemble.

ITHAQUE:      saison-2

 

 

 

Et puis un jour, le 23 peut-être, ils sont partis, comme un nuage de sauterelles.  Tout d’un coup, comme ça…

Et ça a tout changé.

 

Les gens se remettent à parler grec, à sourire, à rigoler; on m’explique comment se mangent ces espèces de gros haricots que je n’ai pas encore goûtés… Mais tout ne redevient pas vraiment pareil qu’avant … à commencer par le coût de la vie !

 

Si Vathi, ou plus encore la jolie Kioni ou le charmant tout petit port de Frikes, ne sont pas adaptés à cet afflux annuel de locustes, leur départ leur restitue  le charme qui a fait leur notoriété.

 

 

J’ai raté mon premier mouillage méditerranéen à Kioni. J’ai eu le temps de manger, mais il n’aurait pas tenu la nuit. Alors j’ai trouvé une place le long du quai intérieur de Frikes; de justesse. Car une espèce de clysopompe  m’a grillé la politesse au moteur en prenant l’avant-dernière place à quai. Solidarité entre nouveaux marins…

Le vent porte contre le quai. Pour sortir demain il faudra se lever tôt.

Levé tôt, le vent vient bien  du quai, pourtant je ne pars pas; pourquoi ne pas profiter de cet amarrage sûr pour aller jusqu’à Stavros, la patrie d’Ulysse?

Quel bonheur de s’élever à pied, pas après pas dans la campagne grecque. Vue dégagée sur deux puis trois mers… Cette île est admirablement proportionnée, harmonieuse, attachante.

Bon, le village de Stavros est un chef-d’oeuvre d’accueil approximatif. Maquette de la Maison d’Homère/Ulysse  sur la place en face de l’église, balisage mal foutu, renseignements minimalistes au musée, site archéologique excentré… La raison en est simple je crois : les gens ont enfin compris ce que pouvait signifier pour eux l’exploitation d’un site hellénique majeur  (après Agamemnon, Ménélas, Nestor… le palais d’Ulysse!) … et protègent leur tranquillité. Il est plus facile de faire rentrer le serpent dans sa boîte que de l’en faire sortir!

Mais quand même quelle trouvaille que ce nom d'”Homer School”!… Circulez il n’y a (presque) rien à voir.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me voilà donc réconcilié avec Ithaque. J’aime cette île. Elle a tout pour elle. Sauf peut-être de l’eau en quantité.  Saint-Tropez a pu ressembler à ça.

Quand les gens se connaissaient et se parlaient en provençal.   Avant l’argent roi.

Unfortunatly le mois de septembre s’achève, et je ne parle toujours pas grec.

(Photo d’une source en contrebas, de l’autre côté de la route..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

.. et quelques objets du musée dont beaucoup proviennent de “la grotte d’Ulysse” située beaucoup plus bas à l’ouest, au niveau de la mer, objets

d’offrandes aux dieux. Mais la grotte s’est depuis partiellement effondrée, a subi des pillages, et je n’y suis pas descendu).

 

KASTOS ET KALAMOS

 

 

 

 

 

 

 

Les asphodèles chères  à Jacques  Lacarrière (L’Eté Grec)

 

 

 

 

 

KASTOS ET KALAMOS:   îles ‘oubliées’… comme disent les  rédacteurs spécialisés. En tout cas pas par les flottilles de location. Infernal.

A terre en revanche, j’ai pu faire le tour de l’île de Kastos à pied sans voir âme qui vive à part des chèvres, deux tortues, et quelques  oiseaux sur près de dix kilomètres. Enfin pas tout à fait: une dame du village m’a dit “Kalimera”, qui veut dire bonjour (le matin), et une dame australienne m’a souhaité bon voyage dans la langue de Benny Hill… (‘Kalo taxidi’ en grec,      Assimil leçon-3)

Vue splendide du côté ouest sur Kalamos, tandis que du côté Est la petite route longe une succession de criques turquoises encore vierges de parasols et de tavernes.  La Grèce avant la folie touristique. Mais la nature humaine a horreur du vide…

 

Un problème récurrent des petites îles pas très riches: les ordures, les  matières  plastiques, qui se retrouvent dans la mer ou … dans la féta? Peut-être Athènes, peut-être l’Europe.. ?

 

Il est difficile d’expliquer pour quelle raison on éprouve un tel bonheur à marcher seul en plein soleil dans une campagne grecque austère et déserte. Mais accompagné, aurais-je été intrigué par le cri bizarre de ce mâle tortue chevauchant sa compagne (tortues que j’ai filmées sans malheureusement songer à prendre aussi une photo pour le blog)?

 

… (merci à Michel pour la récupération de la photo depuis la vidéo! )

 

La beauté est partout. Alors la raison… la raison est sur pose.

DU GOLFE DE PREVEZA A NYDRI PAR LE CANAL DE LEFKAS, ET MYTICA

Le temps a ses étales…

 

 

 

 

La météo annonce du vent d’ouest pour le lendemain; tant pis pour les villages du nord de cette si reposante petite mer de Preveza. Il faut descendre sur Lefkas si je veux avoir le temps d’explorer les îles Ioniennes, puis embouquer le passage entre golfe de Patras et golfe de Corinthe, franchir le canal, et découvrir la mer Saronique.

 

LE CANAL DE LEFKAS: 

 

 

 

 

Il est fermé par un pont tournant qui s’ouvre à chaque heure ronde. Il faut être là un peu avant pour être prêt à bondir au premier coup de sirène, car on n’est pas tout seul… Petit moment de stress, le bateau n’a pas de frein à main; il faut jouer de la manette des gaz, avant, arrière, ne pas se laisser embarquer par le vent, sans aucun endroit pour s’amarrer car toutes les places qui pourraient être utilisées sont monopolisées par de l’amarrage longue-durée.

NYDRI (LEUCADE) , ILES IONIENNES DU NORD:  

Le site est magnifique. La ville s’étale sur le rivage, ouverte mais quelconque; pas de quartier historique, restaus et locations; international dans toutes ses déclinaisons: villas de riches héliotropes du nord, peu de sentiers, si l’on excepte LA balade (confidentielle ?) de 3km jusqu’aux ‘katarraktes’ , chute d’eau au débit réduit en fin de saison, assez jolie mais pas du tout dimensionnée pour accueillir les 200 personnes que l’ennui ou les tour-operators y précipitent, et qui n’ont visiblement jamais mis un pied dans les Pyrénées.

 

 

 

De nombreux voiliers dans ce grand mouillage sûr au fond de vase de bonne tenue, certains sont là depuis longtemps… plus quelques ‘quartiers flottants’ ensoleillés et sympathiques qui se font oublier en marge du système… le genre de lieux qui peuvent vous retenir des mois…

… Car pourquoi bouger?

 

ENFIN LA GRECE

 

 

Vonitsa:

Ce n’est pas Corfou, ce n’est pas Delphe ou Corinthe et j’y suis arrivé avec des rafales à 30, si bien que n’entendant pas le moteur démarrer je me suis dit qu’il me faudrait me débrouiller pour mouiller ( ‘jeter’ l’ancre) à la voile…   MAIS c’est la première fois que je me suis senti en Grèce: paysage, gens, rythme, et bien sûr la mer.

Elle n’a pas la limpidité cristalline des prospectus car c’est une eau de golfe, où l’on trouve d’ailleurs pas mal d’élevages, de crevettes en particulier… la crevette c’est un peu comme le tatsiki, rien à voir avec ces impostures qu’on nous vend dans les supermarchés!

 

 

Petite marche en bord de mer après avoir laissé l’annexe dans un mini port de pêche. Cela fait partie des questions récurrentes qui se posent à chaque escale: où va-t-on laisser l’annexe? où va-t-on laisser la poubelle? (Les Italiens sont les champions du tri sélectif; en Grèce pour l’instant ce n’est pas au programme, et les côtes, les bords des routes sont jonchés de débris de plastiques divers), où est le super marché? y a-t-il un marché, et si oui quel jour?…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour l’instant je me laisse vivre. Tellement qu’en arrivant au château qui domine le village je n’ai pas un sou pour payer l’entrée. Tant pis pour le chateau, la vue est tellement belle depuis la guérite du gardien et d’une jeune fille .. qui me laissent finalement rentrer sans payer. Je suis seul là-haut. L’air est embaumé par des  touffes de petite fleurs blanches, la vue est splendide, les cigales, les arbres, impression pour la première fois du voyage d’être totalement au bon endroit, au bon moment et d’avoir exactement tout le temps qu’il me faut.

Ni ennui, ni solitude, ni rien qui me manque à part peut-être de savoir parler grec.