Les amis sont partis ‘et tout est dépeuplé’… Les îles se vident; les tavernas ferment dans les baies isolées, à la faveur d’un épisode de vent fort.
Je pourrais rester quelques jours et visiter NAXOS; mais il reste un mois de belle navigation, de découvertes dans les Cyclades, petites ou grandes, en-dehors de la saison touristique qui s’étale de plus en plus, car il y a des niches pour tout à présent: “venez vous les geler à tarif réduit cet hiver dans les Cyclades, en bateau à voile chauffé avec skipper… Assistez à une tempête hivernale en toute sécurité à bord de notre catamaran insubmersible Polaris!”. J’exagère à peine…
– SCHINOUSSES :
J’opte pour SCHOINOUSSES (Chi- ou Skinoussès ou encore Schinoussa selon les guides) qui a l’air bien sympathique, abandonnant IRAKLEIA sans trop d’endroits abrités du nord, et KOUFOUNISI un peu en dehors de ma route, car j’aimerais beaucoup voir AMORGOS , et même pousser jusqu’à ASTYPALEA, l’île ‘isolée’ si j’ose ce pléonasme!
Je mouille à Livadia rebaptisée ‘Schinousa bay’ allez savoir pourquoi. La baie est grande, plus sûre en saison que le port ou l’on mouille les uns sur les autres. Jolie petite île qui accueille comme tant d’autres plus de monde qu’elle ne peut en recevoir et où l’on construit encore au-dessus du port, pour faire face à la demande, ou pour faire des affaires je ne sais pas.
L’île est très rurale, avec beaucoup de murs, de grillages (pour s’opposer au vent et garder les troupeaux) et des propriétés privées. Aucun voilier dans le port qui est désert. Quelques boutiques ouvertes dans le village, bruits de disqueuses et de bétonnières… On prépare la saison suivante.
– AMORGOS :
A portée de la main MAIS.. un fort coup de vent 7 à 8 beauforts est annoncé pour dans 3 jours. Des amis me déconseillent de l’y attendre à Amorgos: aucun abri sur 35 kms de côte sud. Le port principal est moyennement sûr ASTYPALEA n’est pas à côté, que faire?
Si la météo est correcte il y a bien un abri à l’ouest, Kalotaritissa, saturé de bateaux de pêche; avec quand même le quai d’Amorgos ou la baie adjacente comme plan B. Ou, plus près, la baie au sud de l’îlot Grandvoussa.
J’y fais un tour. Mais ça sent la nuit-rodéo. A Kalortaritissa le fond du port est bien protégé mais plein. Au milieu une place ou deux sans trop de houle .. à 60 m des cailloux. J’aime moyen: on ne peut guère mettre trop de chaîne et si l’ancre dérape on est mal. Mais ça tiendra. La taverna est encore ouverte.
Il est assez tôt pour aller voir la plage où rouille l’épave du “Grand Bleu” et pousser plus loin à pieds.
J’ai envie de ne pas rentrer; d’aller tout droit; de dormir dans les champs. Cette île me plaît d’entrée, elle a un charme fou. Elle a la classe!
Alors OK on va aller à Astypalea, que je veux vraiment voir. Mais Amorgos, je sais déjà que j’y reviendrai même s’il me faut revenir juste pour elle seule.
– ASTYPALEA :
En partant tôt nous arriverons avant la bagarre, dont le début est prévu à 17, puis 16 heures. Avec le vent qu’il y a déjà je compte marcher à 6 ou 7 noeuds. Mais la mer est un peu confuse.
(et quand on est vraiment occupé on ne prend pas de photos…)
J’aurais dû me méfier: c’est la même houle désordonnée que nous avons trouvée en parant le cap sud de Naxos.
J’ai pris un ris ‘en préventif’, mais le vent monte, pas plus de 25 noeuds mais je ne tiens plus le bateau qui part au lof à plusieurs reprises. 2ème ris, 3ème ris… je suis obligé d’affaler la GV, je laisse juste un bout de génois. Et puis ça se calme un peu. Mes manoeuvres successives m’ont fait m’éloigner d’Amorgos, plus en bordure de la zone sous le vent. Et c’est bien ça le problème; juste derrière c’est violent; même sensation qu’en passant en deltaplane sous le vent d’un relief. Et Amorgos est particulièrement connue pour la brutalité de ses rabattants.
Après… le vent va faiblir, revenir, refaiblir… J’essaie de maintenir un 5 noeuds de moyenne avec le moteur pour ne pas arriver trop tard.
Nous mouillons à Astypalea – Livadhia. Seul voilier. Là aussi le port un peu plus loin ne m’inspire pas: vent travers, peu de place pour de la chaîne, plus le risque des bateaux voisins … Le port est parfois une tentation trompeuse.
Vient le soir; après avoir tout mis en ordre comme pour un cyclone je vais à pieds à la “Chora”, le village en hauteur. Le site est aussi splendide que le dénivelé est important… ça redescend autant vers le port de l’autre côté. Quelques bars sont ouverts. Deux allemands dont j’avais vu le voilier se diriger vers le port en arrivant me promettent une nuit rock’n roll au mouillage… mais quoi?: il n’y a que 4 places qui sont prises, les pêcheurs occupent le quai dédié à la plaisance, il est tard… et mon choix était d’aller mouiller où j’ai mouillé pour de bonnes raisons alors…
Alors j’ai relevé ma dérive, mouillé toute ma chaîne avec la “main-de-fer” sur une aussière de 5 mètres, pris mes repères, il y a de la place pour ‘éviter’ (tourner autour de son ancre) et déraper (si l’ancre glissait il n’y a pas d’obstacle sous le vent). Mais j’ai senti qu’elle crochait bien et le bateau n’a pas bougé d’un poil pendant que j’étais à terre. On verra bien.
Le vent rentre fort vers 22 heures. Ponyo évite à plat sans rouler ni tanguer, sans à-coups, tout en douceur. Je me couche plus détendu qu’à Amorgos. J’ai laissé, cette fois encore les instruments branchés, remesuré mes distances au télémètre, enregistré ma position sur la tablette, à portée de main. Je m’endors tard; me relève trois ou quatre fois dans la nuit; mais je dors bien.
Au matin l’ancre est toujours à la même place. Tant mieux: on est là pour au moins trois jours!