On sait peu de choses sur Homère. Il serait né à Smyrne (Izmir), aurait vécu à Chios, et serait mort (Hérodote, Pausanias) à IOS; pour beaucoup la tombe en elle-même, “quatre vieilles pierres ..” à l’instar de celles d’Ithaque, n’a aucun intérêt. Et pourtant …
Mais commençons par le commencement.
IOS : après tous ces jours de vents forts, je suis plutôt soulagé d’y arriver, d’y trouver de l’eau, une place au port, un répit, un abri sûr. J’ai envoyé un SMS un peu avant : “oui Capt’ain, no worry, il y a plein de places; la carte pour l’eau est en vente chez Acteon-Voyages sur la place” (la carte pour l’eau, mais aussi les billets pour le ferry, un rent-a-car, l’enregistrement du bateau, l’encaissement des frais de port .. ). “Elle est potable?”. Pas de réponse. Même question à l’agence: il n’est pas conseillé de la boire. “J’ai des filtres” (merci Djamila) .. – Même avec des filtres il vaut mieux ne pas essayer.
Les grecs n’aiment pas dire non.
Le propriétaire du bateau-pirate de promenade à côté me dit “mais oui tu peux la boire …” ce que je fais, question de feeling (pardon: de ressenti! 🙂 ). Je me suis mis au quai nord, d’où vient le vent. Pour l’instant je suis seul de ce côté. Personne ne me dit rien, pas d’aide à l’amarrage; d’ailleurs c’est aussi bien, je préfère faire à mon rythme… et c’est plus tranquille que devant les terrasses encore remplies d’anglais en cette saison: Ios, plutôt anglais, Amorgos, plutôt français (où je n’ai pas pu faire escale, mais où je doute que la bidochonnerie française s’y exhibe avec la même inélégance qu’ici le euh.. capitalisme festif!). Cela dit je n’ai pas vécu à l’époque du Moulin-Rouge …
D’ailleurs IOS, en belle courtisane, vend peut-être son corps, sûrement pas son coeur. Quant à son âme … je ne me prononcerai pas.
Il fait beau. Mes pieds s’élancent comme les pattes d’un chien qui n’a pas eu sa promenade. La Chora est très jolie; le point de vue depuis les hauteurs sur la mer magnifique.
Puis je rentre de balade pour les formalités, loue une voiture … et avanti! (c’est une Fiat)
L’île est comme beaucoup d’autres assez désertique; quelques routes; quelques pistes; des plages superbes (je le dis avec l’objectivité totale de qui se fout des étendues de sable blond couvertes de rubéfiants-de-mer! Des églises, des maisons blanches disséminées, des ruchers, des troupeaux de chèvres…
La tombe d’Homère:
Peut-être la dernière vraie émotion de cette année grecque. Les vents mauvais m’y ont conduit. Je visais Amorgos ou Folégandros. Je suis content d’avoir atterri à Ios, d’avoir connu cet endroit, d’y avoir été si délicieusement tranquille, les yeux remplis d’une nostalgie bleue suscitée par le plus grand poète de tous les temps presque 3000 ans après sa naissance. Quand bien même aurait-on inventé de toutes pièces ce lieu de la tombe d’Homère, le point de vue est bien choisi et lui rend hommage. Hors-saison il respecte à la fois le poète, son mythe, et le romantisme ému du visiteur.
Les romantiques sont certes devenus moins nombreux que les fêtards incultes et les héliotropes de toutes origines, parfois hellènes eux-mêmes. Mais les grecs ont peut-être tort de mettre trop d’oeufs dans ce panier-là. Ce n’est pas le business qui a défendu la Grèce. Pour qui une ‘plage-au-soleil’ en vaut une autre, cette longueur d’avance, cette expertise même dans l’art d’accommoder le touriste n’est pas forcément acquise pour l’éternité.
Heureusement les mythes ont la peau dure …
… “On sait bien comment vous êtes, ‘vous autres grecs ‘… ” (dit Corto, détournant Socrate en parlant au frère de Cassandra dans la ‘Maison dorée de Samarkand’ 🙂 )
presque aussi irrévérencieux qu’Homère!