EPILOGUE

(le vent)  (le poète chante)    ( puis le vent)

LA REMONTADA :

“This is the end…” C’est la fin; la fin de quelque chose en tout cas.  J’écris d’Egine, où je suis arrivé sur des chapeaux de vagues, chassé des petites Cyclades par le mauvais temps, l’incertitude de pouvoir remonter ce Meltem furieux  depuis IOS, et aussi ce changement de saison, d’atmosphère…

J’avais pensé explorer tranquillement SIKINOS, FOLEGANDROS, MILOS, puis remonter vers SIFNOS, SERIFOS, KYTHNOS, KEA .. mais je tire un long bord jusqu’à SIFNOS, dans la jolie et déserte baie de Vathi, force 7 annoncé. Puis un autre jusqu’à KYTHNOS (dans la jolie-et-déserte baie d’Apokrisi ! .. nouveau force 7 annoncé!).  A chaque fois nous échappons au plus gros de ces coups de vent rapprochés, dans le 25 noeuds d’accalmies relatives, ainsi jusqu’au Cap Sounion, dernière grosse étape avant Egine: 3 ris, 30 noeuds, 30 milles… La météo est assez fiable; mais la couleur dominante des cartes reste l’orange, entre 5 et  7.

Il faut dire que les petites Cyclades qui défilent sur tribord ne m’attirent pas. Iles petites, pelées, toutes assez semblables de loin, un seul village blanc sans trop de vie, qui donnent plus envie de passer que de séjourner. Venir s’y perdre en plein été une semaine pour déconnecter de la ville, de son travail, d’habitudes vidées de sens, est un concept qui m’angoisse.

  (Veste de quart offerte par les frangins!)      (Baie de Vathi)

Et je découvre que le hors-saison n’y est pas non plus ce retour à la normale qui rend les choses charmantes et plus calmes. Ces îles n’existent que par le tourisme. Le tourisme parti il ne reste rien. Seuls semblent l’ignorer ces gros catamarans attardés qui remontent vers Lavrion (ou qui sont remontés par d’autres, les clients se bornant à descendre au portant, et parfois rentrent au moteur). Leur fait-on croire qu’en novembre ils auront les Cyclades pour eux seuls? La météo de cette année est-elle particulièrement rude? Ai-je perdu la foi?…  Va savoir.  En discutant avec d’autres marins il semble bien pourtant que la saturation soit exponentielle et son augmentation sensible à l’oeil, maintenant d’une année sur l’autre …

(… mais j’ai élagué mon article; pour le vider de sa colère,  à quoi bon dire? …  Never complain)

EGINE :

Egine! enfin!…  Egine,  restée telle que je l’ai quittée. En arrivant avec PONYO nous  avons longé le chantier; mais il y a un problème de grue, on ne peut nous mettre sur ber.  La semaine à venir on annonce encore du gros vent. Je me dis bien que c’est ballot. Puis que c’est plutôt une chance d’attendre au port, au quai, en avance de trois semaines. Je vais pouvoir préparer le bateau, faire quelques réparations, en vue de l’année prochaine, en étant stationné en ville plutôt qu’au chantier au milieu de nulle part, louer un véhicule. Lézarder!

Egine est vivante. Sans doute aussi insupportable en juillet-août-septembre qu’une autre. Mais extrêmement agréable à vivre maintenant, comme en mars, en avril. J’y retrouve Nicolas, d'”Arigato” qui hiverne son bateau au chantier voisin et qui repart demain après être tombé dans l’échelle de descente de son voilier (ambulance, urgences d’Athènes, des pansements partout mais ayant visiblement échappé au pire), avec lequel nous passons une excellente soirée!

     

On parlait hier de la chance que nous avions eue de concrétiser la plupart de nos objectifs, malgré nos erreurs qui auraient pu n’importe quand mettre un terme à notre voyage. Je repense à Istanbul, à Tinos, et à d’autres péripéties, à leurs possibles conséquences. Le métier rentre peu à peu; la chute de Nicolas rappelle qu’on se doit  d’être vigilant en permanence, que seul on est extrêmement fragile, qu’il faut croire à son étoile, bien sûr, mais pas se reposer dessus. Aussi qu’il y aura toujours un risque.

On peut mourir d’une balle perdue, d’une sortie de virage en se rendant aux champignons… (sans parler des champignons eux-mêmes, bien entendu)!

Mais une chose est sûre: on ne peut pas vivre ses rêves sans donner quelque chose en échange.

En avoir la possibilité est déjà une grâce du ciel, ce ciel parfois si beau qu’il en est presque douloureux.

C’est encore vers lui que se tournent les marins, les vrais les faux, les touristes, les mamies et les jeunes filles quand le jour tombe et que les téléphones portables essaient de capturer quelque chose d’aussi  fugace et insaisissable que le soleil couchant.

“Chic planète! Dansons dessus!”   (Hubert Mounier).

 

 

 

 

“TOUCH-AND-GO” A SANTORIN, LA GRANDIOSE…

 

SANTORIN est à une heure de ferry d’Ios. J’y vais ou j’y vais pas? … J’ai déjà zappé les deux incontournables des catalogues de voyage que sont les sur-fréquentées DELOS et MYKONOS.

Quant à y aller avec PONYO c’est trop au sud, trop de distance à rajouter contre le vent du nord. Mais on est à côté… Le ferry part à deux  heures et demi et repart de Santorin à sept. C’est court et risqué, car l’île ne connaît pas le hors-saison. Je risque de faire tout ça pour à peine pouvoir sortir d’un port blindé de monde. Tant pis, il vaut mieux avoir des regrets…

   

Déjà l’arrivée dans la caldeira impressionne avec ses maisons blanches serrées tout en haut sur les falaises volcaniques, ses énormes paquebots au mouillage. La porte arrière débarque la foule sur le quai, des guides hissent leur petit drapeau, les chauffeurs crient, lèvent leur cartons avec le nom de quelqu’un écrit dessus. Je suis ; je suis .. aspiré par la porte d’un bus. Heureusement: il n’y a pas de place pour un piéton sur cette route en lacets-de-Somport, et Thira la capitale est à plusieurs kilomètres m’explique un père de famille Normand qui adore cette île. Moi je m’inquiète du bouchon en formation et de l’absence d’issue de secours; pas de Plan-B. Aussi quelle idée de faire cette visite comme ça, à l’arrache?!

Mais une fois parvenu à Thira, en haut, sur la corniche, quel panorama! On n’est certes pas tout seul et il y a autant de boutiques qu’à Lourdes, mais quand même le site n’usurpe pas sa réputation. C’est bluffant de beauté. Et il y a du monde sans qu’il y ait foule car la ville s’étend le long de la mer sur une assez longue distance. Malgré, ou peur-être à cause du compte à rebours car il n’y a plus de bus pour le port (mais je trouverai facilement un taxi), j’apprécie chaque minute ici. Je suis passé en mode “Delphes”. Ce que je vois je ne le reverrai peut-être jamais.

    .                        (désolé pour les photos la plupart étaient à contre-jour)

D’après mon voisin de bus il y a plein de sentiers et d’endroits magnifiques et peu fréquentés dans l’île. Avis aux amoureux: emmenez-y l’élu(e) de votre coeur. Et n’oubliez pas votre carte bleue 🙂 il y a sur la corniche quantité de petits restaurants-avec-vue et musique grecque où même les vieux grognons dans mon genre se laisseraient traîner! Et cette lumière du soir …

IOS : LA TOMBE D’HOMERE

On sait peu de choses sur Homère. Il serait né à Smyrne (Izmir), aurait vécu à Chios, et serait mort (Hérodote, Pausanias) à IOS; pour beaucoup la tombe en elle-même, “quatre vieilles pierres ..” à l’instar de celles d’Ithaque, n’a aucun intérêt. Et pourtant …

Mais commençons par le commencement.

IOS : après tous ces jours de vents forts,  je suis plutôt soulagé d’y arriver, d’y trouver de l’eau, une place au port, un répit, un abri sûr. J’ai envoyé un SMS un peu avant : “oui Capt’ain, no worry, il y a plein de places; la carte pour l’eau est en vente chez Acteon-Voyages sur la place”  (la carte pour l’eau, mais aussi les billets pour le ferry, un rent-a-car,  l’enregistrement du bateau, l’encaissement des frais de port .. ). “Elle est potable?”. Pas de réponse. Même question à l’agence:  il n’est pas conseillé de la boire. “J’ai des filtres” (merci Djamila) .. – Même avec des filtres il vaut mieux ne pas essayer.

Les grecs n’aiment pas dire non.

Le propriétaire du bateau-pirate de promenade à côté me dit “mais oui tu peux la boire …” ce que je fais, question de feeling (pardon: de ressenti! 🙂 ). Je me suis mis au quai nord, d’où vient le vent. Pour l’instant je suis seul de ce côté. Personne ne me dit rien, pas d’aide à l’amarrage; d’ailleurs c’est aussi bien,  je préfère faire à mon rythme…  et c’est plus tranquille que devant les terrasses encore remplies d’anglais en cette saison: Ios, plutôt anglais, Amorgos, plutôt français (où je n’ai pas pu faire escale, mais où je doute que la bidochonnerie française s’y exhibe avec la même inélégance qu’ici le euh.. capitalisme festif!). Cela dit je n’ai pas vécu à l’époque du Moulin-Rouge …

D’ailleurs IOS, en belle courtisane,  vend peut-être son corps, sûrement pas son coeur. Quant à son âme … je ne me prononcerai pas.

   

Il fait beau. Mes pieds s’élancent comme les pattes d’un chien qui n’a pas eu sa promenade. La Chora est très jolie; le point de vue depuis les hauteurs sur la mer magnifique.

   

Puis je rentre de balade pour les formalités, loue une voiture … et avanti! (c’est une Fiat)

L’île est comme beaucoup d’autres assez désertique; quelques routes; quelques pistes; des plages superbes  (je le dis avec l’objectivité totale de qui se fout des étendues de sable blond couvertes de rubéfiants-de-mer! Des églises, des maisons blanches disséminées, des ruchers, des troupeaux de chèvres…

La tombe d’Homère:

Peut-être la dernière vraie émotion de cette année grecque. Les vents mauvais m’y ont conduit. Je visais Amorgos ou Folégandros. Je suis content d’avoir atterri à Ios, d’avoir connu cet endroit, d’y avoir été si délicieusement tranquille, les yeux remplis d’une nostalgie bleue suscitée par le plus grand poète de tous les temps presque 3000 ans après sa naissance. Quand bien même aurait-on inventé de toutes pièces ce lieu de la tombe d’Homère, le point de vue est bien choisi et lui rend hommage. Hors-saison il respecte à la fois le poète, son mythe, et le romantisme ému du visiteur.

      

Les romantiques sont certes devenus moins nombreux que les fêtards incultes et les héliotropes de toutes origines, parfois hellènes eux-mêmes. Mais les grecs ont peut-être tort de mettre trop d’oeufs dans ce panier-là. Ce n’est pas le business qui a défendu la Grèce. Pour qui une ‘plage-au-soleil’ en vaut une autre, cette longueur d’avance, cette expertise même dans l’art d’accommoder le touriste n’est pas forcément acquise pour l’éternité.

Heureusement les mythes ont la peau dure …

   

… “On sait bien comment vous êtes, ‘vous autres grecs ‘… ” (dit Corto,  détournant Socrate en parlant  au frère de Cassandra dans la ‘Maison dorée de Samarkand’ 🙂 )

presque aussi irrévérencieux qu’Homère!

RATAGES

                                             

ASTYPALEA : boire ou déboire…

Le vent ne s’est pas calmé dans la baie de Vathy (Astypalea) ni ailleurs. Il n’est pas près de le faire, même si je n’en sais encore rien. Sur la foi de la météo je reste un jour de plus. Demain il  ‘devrait’ faiblir. L’annexe est encore gonflée derrière le bateau, alors j’irai balader à terre jusqu’à la chapelle, puis le soir manger chez Maria. Demain Amorgos!

Cela commence par une piste fermée hermétiquement par des fers carrés de chape en béton. Je contourne, arrive à une ferme, hèle le paysan, le chien m’aboie.. on se croirait chez moi. “C’est fermé?..” – oui, à cause des animaux. Il te faut contourner par en bas (kato), ou alors je t’ouvre ici – oui.. mais au retour?.. le chien..? Au fait vous savez où je peux acheter du miel par ici? – non, pas ici.. à Chora (Astypalea)…

Redescente. Grillages partout. Je monte dans l’annexe et je rame vers la chapelle, têtu. Jolie lumière. Aucun accès. Tant pis.

La taverna: drôle d’histoire. Hier elle est fermée, c’est écrit sur la porte. A 18h30 il y a de la lumière, et 5 équipiers d’un bateau de loc attablés. Je rentre, mais je comprends que Maria ne peut pas servir un repas de plus, elle semble très occupée. Je repars. A-t-elle ouvert juste pour le skipper, soit qu’il avait réservé, soit qu’elle le connaissait.. n’avait-elle pas assez pour faire un vrai repas, ais-je mal compris?.. Dans un refuge pyrénéen on te trouverait toujours un bol de soupe..

J’y retourne le lendemain à 18h, tout est fermé. A 18h30 des lumières s’allument. Mais j’ai déjà plié l’annexe.

AMORGOS : la claque habituelle…

 

 

 

 

 

J’ai pris 1 ris. Mais le vent souffle rapidement bien plus que prévu. Du coup ça cartonne,  7 noeuds, 7 noeuds et demi, 8..

Et  j’en ai besoin parce que la route est longue, 50 milles jusqu’à la côte ouest, plus environ 10 jusqu’à Amorgos-port: je me mettrai au mouillage et j’essaierai d’aller au quai le lendemain, de faire de l’eau, louer une voiture ..

” Perrette et le pot au lait”!

 

Au même endroit qu’à l’aller, pareil, 2 ris, un bout de génois, 25 noeuds mesurés mais qui paraissent 30, violent.. Qu’est-ce qu’il se passe? Je reprends la météo: c’est 7 bfrts maintenant qu’elle annonce sur Amorgos! Et flûte!!…  Plan-B? … Le plan -B c’est Chinousses, mais bon j’en venais! … A moins de pousser jusqu’à Koufonisi à l’Est Nord-Est?  A ce moment le vent vient pile du nord, 360°, il doit être autour de force 5 par là-bas…

Oui, c’est vrai jusqu’au nord de Chinousses à peu près. Après… après j’apprendrai à mes dépends que le même vent qui souffle NO en descendant la côte ouest de Naxos, souffle en réalité NE en arrivant de sa côte Est entre Naxos et Koufonisi, et je finis avec un Meltem de face à presque 30 noeuds.

Un mouillage “aéré” (mais qui tient) à côté d’un port petit et plein, un village où tout semble fermé avec des rafales en continu qui dissuadent de gonfler l’annexe.. Plus aucuns vivres frais, plus de bière, plus d’ouzo (!) plus de pain! … je tente d’en faire au four avec de la levure préhistorique et le résultat est affreux! Heureusement il me reste la radio et la trilogie (SF) de NK Jemisin que j’ai pu télécharger…

KOUFONISI : du vent, du vent, du vent!…

Tout ça sent quand même bigrement la fin de saison. Deux catas de loc viennent mouiller juste à côté… Mais que viennent  fiche ici les gens fin octobre dans des bateaux de loc ???  L’eau est à 23.. Koufonisi déserte … Quand peut-on espérer avoir la paix désormais, en décembre, en janvier?… Ils sont 6 norvégiens à côté, dans leur tank de plaisance à 12000 euros la semaine tarif basse-saison … C’est sûr Il fait plus froid chez eux.

“Notre skipper était aa-do-rable, il connaissait des taas d’histoires sur Koufoussini (une île maagnifique des petites Cyclaaades!”)

Le temps où l’on passait dix ans à construire son voilier pour un budget de misère semble bien révolu. La mode est à jouer à se croire comme eux sans en payer le prix.

 

ASTYPALEA

Ce matin je sors le nez du bateau, à mi-échelle, comme la grenouille-météo . Le vent a nettement molli. Allons louer un scooter pour découvrir un peu mieux cette île, me dis-je, optimiste… Par bonheur le loueur, qui se trouve au niveau de la mer de l’Autre côté de la CHORA qui, elle, ne l’est pas.. n’a que des voitures, ce qui est plus adapté au forecast (bulletin de prévision du temps) du jour: ça souffle encore.

Et nous voila lancés! L’île est en deux parties reliées par un isthme, comme le “papillon” de la Guadeloupe, mais en plus petit. La partie est (côte sud) offre de nombreuses baies et un petit port charmant, Melitzana, bien protégés du nord. Presque pas d’arbres, une route quasi unique, le reste ce sont des pistes. L’une de ces baies est presque entièrement fermée, comme un lac. Je gare la voiture et je vais à pieds voir si la fameuse taverna de Maria que mentionne le guide est ouverte.

 

La baie (ci-dessous) a quelque chose de sauvage, d’un lieu oublié par le temps. Un voilier y est ancré, apparemment depuis longtemps. Des ouvriers coulent une chape à l’étage de la maison voisine, à l’ancienne, deux bétonnières et dix personnes; brouettes, râteaux, qui n’a jamais fait ça me lance le premier parpaing… Mais la taverne ouvre à deux heures et je repars. Impression d’être  au bout du monde; un petit quai; un seul pêcheur, et qui rame… La campagne autour est belle, quoiqu’elle paraisse assez pauvre. Mais en automne nos champs labourés peuvent parfois sembler austères.

 

 

 

 

(la taverna; on y vient entre 14 et 19h; on inscrit ce qu’on veut manger, quand c’est prêt Maria vous appelle par votre prénom, et on met et on débarrasse sa table… Peut-être un jour… )

 

 

 

Retour par la CHORA; dédale de ruelles en pente où l’on se perd facilement car on ne voit pas dépasser les édifices principaux. Mais il suffit de monter: on ne peut pas aller plus haut que le château! Et c’est superbe (.. en octobre!)

                                                                                                                     (ç’aurait été dommage de passer à côté)

                   

(cette dame-là je lui ai dit : “bonjour (grand sourire) .. je ne sais pas du tout où je suis!” – et où veux-tu aller? – au port! – ah!” . Après elle m’a expliqué la direction  comme si j’étais grec. J’ai compris qu’il me fallait descendre!  – oui, oui, oui, merci beaucoup! Ces mamies grecques sont un vrai bonheur!

   

Puis enfin un tour dans la partie ouest de l’île, sans vraie route littorale, plus difficile d’accès, et aux nombreux ruchers, mais je n’ai pas remarqué de vendeurs de miel en ‘ville’, je l’aurais bien goûté.

Et retour au bateau à Livadhi, car l’eau du port n’est pas buvable, et je n’ai pas d’autre raison d’y aller! Demain matin  je rendrai la voiture. Mais le vent revient à nouveau  le soir. Ce ne sont pas des régions reposantes.  Enfin… d’autres naviguent en mer du Nord ou au Japon, marées, courants, brouillard, growlers…  quand ils ne s’alignent pas sur un  Vendée-Globe!  Tout est relatif.

HORS-SAISON

Les amis sont partis ‘et tout est dépeuplé’… Les îles se vident; les tavernas ferment dans les baies isolées, à la faveur d’un épisode de vent fort.

Je pourrais rester quelques jours et visiter NAXOS; mais il reste un mois  de belle navigation, de découvertes dans les Cyclades, petites ou grandes, en-dehors de la saison touristique qui s’étale de plus en plus, car il y a des niches pour tout à présent: “venez vous les geler à tarif réduit cet hiver dans les Cyclades, en bateau à voile chauffé avec skipper… Assistez à une tempête hivernale en toute sécurité à bord  de notre catamaran insubmersible Polaris!”. J’exagère à peine…

– SCHINOUSSES :

J’opte pour SCHOINOUSSES (Chi- ou Skinoussès ou encore Schinoussa selon les guides) qui a l’air bien sympathique, abandonnant IRAKLEIA sans trop d’endroits abrités du nord, et KOUFOUNISI un peu en dehors de ma route, car j’aimerais beaucoup  voir AMORGOS , et même pousser jusqu’à ASTYPALEA, l’île ‘isolée’ si j’ose ce pléonasme!

     

Je mouille à Livadia rebaptisée ‘Schinousa bay’ allez savoir pourquoi. La baie est grande, plus sûre en saison que le port ou l’on mouille les uns sur les autres. Jolie petite île qui accueille comme tant d’autres plus de monde qu’elle ne peut en recevoir et où l’on construit encore au-dessus du port, pour faire  face à la demande, ou pour faire des affaires je ne sais pas.

 

L’île est très rurale, avec beaucoup de murs, de grillages (pour s’opposer au vent et garder les troupeaux) et des propriétés privées. Aucun voilier dans le port qui est désert. Quelques boutiques ouvertes dans le village, bruits de disqueuses et de bétonnières…  On prépare la saison suivante.

AMORGOS :

 

A portée de la main MAIS.. un fort coup de vent 7 à 8 beauforts est annoncé pour dans 3 jours. Des amis me déconseillent de l’y attendre à Amorgos: aucun abri sur 35 kms de côte sud. Le port principal est moyennement sûr ASTYPALEA n’est pas à côté, que faire?

Si la météo est correcte il y a bien un abri à l’ouest, Kalotaritissa, saturé de bateaux de pêche; avec quand même le quai d’Amorgos ou la baie adjacente comme plan B. Ou, plus près, la baie au sud de l’îlot Grandvoussa.

J’y fais un tour. Mais ça sent la nuit-rodéo. A Kalortaritissa le fond du port est bien protégé mais plein. Au milieu une place ou deux sans trop de houle .. à 60 m des cailloux. J’aime moyen: on ne peut guère mettre trop de chaîne et si l’ancre dérape on est mal. Mais ça tiendra. La taverna est encore ouverte.

   

Il est assez tôt pour aller voir la plage où rouille l’épave du “Grand Bleu” et pousser plus loin à pieds.

 

   

   

 

 

 

 

 

J’ai envie de ne pas rentrer; d’aller tout droit; de dormir dans les champs. Cette île me plaît d’entrée, elle a un charme fou. Elle a la classe!

Alors OK on va aller à Astypalea, que je veux vraiment voir. Mais Amorgos, je sais déjà que j’y reviendrai même s’il me faut revenir juste pour elle seule.

 

 

 

ASTYPALEA :

En partant tôt nous arriverons avant la bagarre, dont le début est prévu à 17, puis 16 heures. Avec le vent qu’il y a déjà  je compte marcher à 6 ou 7 noeuds.  Mais la mer est un peu confuse.

                                                                                                                                         (et quand on est vraiment occupé on ne prend pas de photos…)

J’aurais dû me méfier: c’est la même houle désordonnée que nous avons trouvée en parant le cap sud de Naxos.

J’ai pris un ris ‘en préventif’, mais le vent monte, pas plus de 25 noeuds mais je ne tiens plus le bateau qui part au lof à plusieurs reprises. 2ème ris, 3ème ris… je suis obligé d’affaler la GV, je laisse  juste un bout de génois. Et puis ça se calme un peu. Mes manoeuvres successives m’ont fait m’éloigner d’Amorgos, plus en bordure de la zone sous le vent. Et c’est bien ça le problème; juste derrière c’est violent;  même sensation qu’en passant en deltaplane sous le vent d’un relief. Et Amorgos est particulièrement connue pour la brutalité de ses rabattants.

Après… le vent va faiblir, revenir, refaiblir… J’essaie de maintenir un 5 noeuds de moyenne avec le moteur pour ne pas arriver trop tard.

   

Nous mouillons à Astypalea – Livadhia. Seul voilier. Là aussi le port un peu plus loin ne m’inspire pas: vent travers, peu de place pour de la chaîne, plus le risque des bateaux voisins … Le port est parfois une tentation trompeuse.

Vient le soir;  après avoir tout mis en ordre comme pour un cyclone je vais à pieds à la “Chora”, le village en hauteur. Le site est aussi splendide que le dénivelé est important… ça redescend autant vers le port de l’autre côté. Quelques bars sont ouverts. Deux allemands dont j’avais vu le voilier se diriger vers le port en arrivant me promettent une nuit rock’n roll au mouillage… mais quoi?: il n’y a que 4 places qui sont prises, les pêcheurs occupent le quai dédié à la plaisance, il est tard… et mon choix était d’aller mouiller où j’ai mouillé pour de bonnes raisons alors…

Alors j’ai relevé ma dérive, mouillé toute ma chaîne avec la “main-de-fer” sur une aussière de 5 mètres, pris mes repères, il y a de la place pour ‘éviter’ (tourner autour de son ancre) et déraper (si l’ancre glissait il n’y a pas d’obstacle sous le vent). Mais j’ai senti qu’elle crochait bien et le bateau n’a pas bougé d’un poil pendant que j’étais à terre. On verra bien.

Le vent rentre fort vers 22 heures. Ponyo évite à plat sans rouler ni tanguer, sans à-coups, tout en douceur. Je me couche plus détendu qu’à Amorgos. J’ai laissé, cette fois encore les instruments branchés, remesuré mes distances au télémètre, enregistré ma position sur la tablette, à portée de main. Je m’endors tard; me relève trois ou quatre fois dans la nuit; mais je dors bien.

Au matin l’ancre est toujours à la même place. Tant mieux: on est là pour au moins trois jours!

 

( PETITE PARENTHESE ECCLESIASTIQUE )

Pierre et Claire sont arrivés au bon moment-au bon endroit pour visiter le Monastère de Saint Antoine à, je crois,  PAROIKIA (Parikia) .. PAROS..

N’étant pas avec eux j’avais compris qu’il s’agissait de la chapelle au-dessus de Molos dont je n’avais vu que l’extérieur, et qui est consacrée à St Antoine. Mais la plupart des photos que Pierre m’a transmises concerne un monastère de St Antoine, à Paros, ainsi qu’une église de la Vierge aux cent portes, également à Paroikia … Je ne suis pas sûr d’avoir tout saisi; il y a de la rectification à venir dans l’air ….

       

Je recopie son texte tel quel, et je vous laisse admirer les quelques photos que j’ai choisies (sur des critères purement esthétiques) parmi la presque centaine que j’ai téléchargées (4 à 6 Mo chacune, quand même…) et qu’il a dû passer bien du temps à m’envoyer…  Merci soit-il!:

“Le monastère de Saint Antoine est (situé) au sommet d’une colline aux allures de montagne dont l’ascension est aussi laborieuse que réconfortante par le panorama qu’elle offre. Dans les derniers efforts nous avons croisé un lézard digne de Jursassic Park; enfin nous fûmes accueillis par une dame qui nous a offert un loukoum et un verre d’eau fraîche. Après avoir repris notre souffle nous avons découvert l’intérieur du monastère avec sa chaire en marbre et ses icônes du XVIème siècle à qui l’on confie sa foi et ses espoirs de guérison ou de meilleure vie par la flamme d’un cierge. Juché au sommet, cet espace clos est émouvant par son atmosphère de recueillement entre ciel mer et terre.”

 

                           

(lézard de bénitier …)

D’ailleurs il reste assez discret sur la partie exclusivement réservée aux hommes à laquelle sa compagne n’a pas eu accès  🙂 Cela dit vu ma réticence à photographier dans une église, sans lui vous ne verriez pas ces belle icônes:

                       

Rectification-éclair du photographe:

“la 2ème photo avec Claire et Alexandra est l’arrivée à l’église de la sainte vierge aux cent portes [à Parikia], celle d’à côté est d’une chapelle sur le port de Parikia. Les autres photos sous mon texte sont de l’église de la vierge aux cent portes, en dessous les icônes datant du seizième siècle sont à st Antoine de Marpissa sur la colline surplombant la plage et le port de Molos .Voilà les précisions, seuls les autochtones et les amateurs éclairés se seront offusqués”.

PAROS, ET NAXOS VILLE ET PORT

   

NAOUSSA :

Le vent vient du sud; j’ai mouillé à NAOUSSA dans la baie, juste à côté du port qui ne m’inspire pas beaucoup : étroit, encombré, charters, et chaînes traînant dans le fond… Est-ce le contre-coups de la saga de Tinos? .. la ville ne m’emballe pas non plus. Une jolie carte postale. Terrasses bondées, tout est très cher, assez surfait… Bienvenue dans les Cyclades des agences de voyage!

Mais si l’on découvrait d’abord…

PAROS :

        

Alors je loue un scooter. L’île est étendue, très rurale, avec beaucoup de maisons construites ou en construction, grandes.. Impression d’unité et d’aisance;  d’élégance… Rien d’étonnant à ce que l’île séduise.

         

Même si comme partout le tourisme uniformise, remplit de lieux-communs ce qu’il vide de sens. 18 euros pour une lessive, 5,50 un capuccino (petit) .. La vie est chère pour les locaux aussi.

LES AMIS :

Ceux sans qui l’on ne serait pas ce que l’on est… quelle étrangeté de se retrouvez ici en Grèce, où ils visitent Alexandra, amie Grecque de longue date autant que femme charismatique, qui a sa maison à Paros et nous fera découvrir beaucoup  en peu de temps. Et quel bon temps passerons-nous ici ensemble, sans oublier les deux ‘djeunes’  Charlotte, cousine de Claire et Sandra sa pétillante amie !

Des jours qui font du bien. Des jours forcément aussi  précieux que courts…

   

Et puis Paros, c’est quand même  la première escale où j’ai vraiment très bien mangé en Grèce!!! La proximité d’Athènes?.. la pression du tourisme?.. le cuisinier français du “Mediteraneo”? … Mais ailleurs les mezzédès étaient divins, et à Naxos la cuisine du “Flamingo” exceptionnelle.

NAXOS :

 

       

Le Vendredi 11 nous embarquons pour Naxos à bord de Ponyo. Vent du sud-ouest faible annoncé, avec la possibilité sur le papier de faire l’aller-retour Est-Ouest dans la journée. Aller au nord vers Santa-Maria ou au sud vers Dryos depuis Molos (à peu près au milieu de la côte Est, j’y ai déplacé le bateau), nous obligerait soit en allant soit au retour à devoir faire contre le vent.

   

Escale à Naxos, donc. Petite visite du quartier du Kastro avant de manger, de la Portara après (vestige du Temple à Apollon). Le site est très beau. Et d’une manière générale je me sens bien ici, ville ouverte, un juste équilibre entre tourisme et vie ‘normale’, peut-être parce qu’il commence, à refluer…

Mais non, c’est autre chose; chaque ville a son ambiance, son odeur, presque. Ici malgré les ferries rapprochés à l’empreinte carbone euh… carbonnée! on respire: Naxos est une ville où l’on se sent léger. Et j’y reviendrai volontiers, ne serait-ce que pour en visiter l’intérieur.

              

 

Les pires choses ont une fin: j’ai pu être à Paros à temps pour les amis; j’ai une carte, et de l’argent… fin provisoire des galères.

Mais les meilleures aussi: Pierre et Claire reprennent l’avion je ne vais pas tarder moi-même à mettre les voiles; je ne sais ni pour où ni quand. Une petite prolongation d’une journée ou deux dans la baie de Molos pour mettre à jour le blog; réfléchir à un itinéraire…

Le vent du sud continue à souffler (on a frôlé les 25 noeuds en rentrant hier). Et après?..  Naxos?.. les petites Cyclades? Amorgos ou même Astypalea?.. j’aimerais bien. Cela dépend beaucoup du temps qu’il fera en octobre et novembre. La foule est repartie. L’eau est encore à 25-26 degrés. Quelques tavernas seront fermées sans doute. Reste la belle navigation…

Seul le vent connaît la réponse, et puis Poséidon, et Athéna aussi!  Ulysses a mis dix ans pour revenir chez lui; sans moteur, sans météo ni Gps! … Dis Papa, est-ce que c’était ça le bon temps?

 

 

PONYO A PAPERLAND

TINOS :

Je n’ai pas vu Tinos. Juste ce qu’on en voit quand on descend d’un Ferry-boat. L’Eglise impressionnante, lieu de pélerinage majeur des orthodoxes, bâtie autour d’une icône miraculeuse de la Vierge découverte en 1823.

   

Sur tout le côté de la voie pavée qui mène à l’icône il y a une sorte de bande moquettée, puis un tapis rouge jusqu’en haut des marches. Les croyants, comme chez nous à Lourdes, viennent prier la Vierge pour eux ou pour un proche, à genoux depuis le port, et ça fait un bout!

   

Je n’ai pas eu à coeur de photographier ces gens de près; ni l’intérieur de l’Eglise, ni l’icône. On doit trouver tout ça sur internet… sauf peut-être les selfies que j’ai vu certains touristes prendre à l’intérieur, mais ça…

PAPERLAND-1:

Le soir de mon échouement (rappelons que contrairement à l’échouage qui est intentionnel, l’échouement est accidentel), Agnès a photographié le bateau de loin. Elle est venue aux nouvelles. Ce sont souvent les dames qui assurent le lien social à bord… Comme je lui rapporte la gentillesse de la Coast-Guard, de la Port-Police, des pêcheurs, du plongeur… elle tempère mon enthousiasme: “ils t’ont gardé tes papiers?”…

Plus tard à Bord de Mistral-Gagnant, Damien m’explique: ‘ils t’ont demandé un Certificat de Navigabilité de l’Ambassade. C’est la procédure dès que la Police  intervient, même s’il n’y a qu’une une rayure . L’Ambassade va ouvrir le parapluie et demander une expertise. Il n’y a pas d’expert ici (le plongeur était un”plongeur ordinaire”), et aucun moyen de lever le bateau dans l’île; il va te falloir aller dans l’île d’à côté, à Ermoupolis, sous escorte puisque ton bateau n’a temporairement pas le droit de naviguer. Dans le pire des cas l’Ambassade, c’est arrivé à des amis,  peut dépêcher un expert depuis Athènes… Rien que pour un remorquage on leur a demandé 5000 balles!’

Cela tombe mal, mes amis arrivent le 6, on est samedi soir,  je n’ai toujours pas de carte de crédit … Je passe sur les détails qui m’ont occupé à temps plein jusqu’au mercredi 2. C’est le cabinet d’experts de la Maif qui débloque la situation: ‘Si vous nous faites parvenir des photos de la coque, et que les dommages sont superficiels, nous pouvons vous établir le certificat’…

Recharger la batterie de la “GoPro” dont je n’ai  jamais appris à me servir, retrouver le mode d’emploi,  puis  un plongeur (sans bouteilles), Argyris, vraiment arrangeant (tu me donnes ce que tu veux!) pour prendre les photos, mon autonomie de travail sous l’eau ne dépassant guère 15 secondes, et dénicher la Cyber-Shop capable de les transférer sur l’ordi du bord … plus beaucoup de temps, d’incertitude, de stress… Mais je suis prêt à lever l’ancre ce mercredi en fin d’après-midi. Et l’on me rend enfin les papiers du bateau.

Certes je n’arriverai pas à Paros aujourd’hui, mais je veux d’abord quitter Tinos. Et nous passerons la nuit à DELOS.

DELOS :

En théorie on peut mouiller devant le petit port de Délos. île inhabitée, mais Il faut vraiment en avoir envie… Houle, espace insuffisant, situé sur la route des bateaux-de-passagers.. Je pensais qu’hors-saison la chose serait plus simple… Aurais-je eu l’intention de visiter le site archéologique avec ses fameuses lionnes de marbre le lendemain matin, que j’aurais fait un petit effort. Mais d’une part la beauté du site ne me saute pas aux yeux, d’autre part plusieurs gros catamarans de location tournent au ralenti avec l’intention de se poser, comme de gros crabes silencieux sur un organisme affaibli,  des cochenilles blanches envahissant un citronnier … Surtout le vent doit se lever du sud vers 6-7 heures en se renforçant. La priorité c’est d’être enfin mouillés à NAOUSSA (PAROS), et de  souffler un peu en attendant mes deux amis.

 

Je trouve un mouillage très calme au sud-est et je mets le réveil à 6 heures. Cap sur Naoussa.

PAPERLAND-2:

Après avoir tarabusté ma banque pour obtenir au moins un numéro de suivi de recommandé, je comprends que la carte qui doit arriver depuis un mois  en Poste-Restante à “GP, Poste-Restante, Mytilini, 8110 LESBOS – GRECE” est bien est arrivée à …” GP, Poste-Restante, 81100 CASTRES – FRANCE“! ! J’en pleurerais de rage!

Ce qui est fait est fait. Banque, annulation, nouvelle carte… mon frère me l’enverra parce qu’il a un cerveau, lui! Et qu’un cerveau, n’en déplaise à Orange, La Poste et tous les autres, c’est plus qu’un assemblage de petites cases étanches gérées par inintelligence artificielle!

Pour conclure sur un  happy-end, ma carte arrivera plus tôt que prévu  chez moi, et les amis me l’apporteront en débarquant à Paros. Alors bien sûr les tempêtes, bien sûr les cyclones, les vagues scélérates, les tsunamis, le Kraken!  …

Mais en mer, l’ennemi, c’est bien souvent la terre.

 

 

UNE JOURNEE EN MER

.                                                        (harmonie in blue)                                                           .

‘Quand tout le monde aura un bateau, personne ne pourra plus aller nulle part!’. Je me réveille à 6h, morose, avec cette phrase en tête après une nuit bercée par un peu trop de houle (qui a dit “et de whisky”?…).

C’est fou ce qu’un bateau peut être bruyant quand il remue : eau des tanks, retours des drisses dans le mât, contenu des coffres, grincements des boiseries…  Après tous ces jours à quai la mer me rappelle qu’elle raidit, qu’elle rince, qu’elle use, qu’elle rudoie …

  

Je quitte la crique avec le soleil levant. Sans avoir aperçu le phoque qui y a paraît-il élu domicile.  Le vent dort encore. Un deuxième café pour( le) réveiller. Il n’y a personne;  la vue porte loin. Le soleil chauffe déjà. Un voile de pollution d’un ou deux degrés sur tout l’horizon ne diminue pas le bonheur d’être sur l’eau, à écouter le ronronnement du moteur, le piaffement des voiles vides..  le bonheur de courir librement avec Ponyo dans une jolie lumière, avec rien qui dérange.

Toute la bigoterie de Daniel Defoë dans son  Robinson n’enlève rien à l’acuité de ses propos sur la chance imméritée que nous avons d’exister,  là, dans la main  de la providence, sur la peau vivante de la mer salée  aux prémices d’un jour nouveau.

Allez le vent réveille-toi, on ne va pas rester au moteur jusqu’à  Tinos!

50 milles représentent 10 heures de route à 5 noeuds,.. Il est déjà onze heures.  Eole s’anime à peine. Je sors le spi asymétrique, rentre le génois, conserve le moteur, jusqu’à ce que nous dépassions enfin les 6 noeuds, pour 9 d’un vent d’ouest nord-ouest.

  

A 13h j’aperçois Andros, Tinos et Mykonos pourtant distantes de 30 milles. Le vent est établi, constant sans jamais vraiment excéder les  10 noeuds, mais nous serons toujours autour de  6 quasiment jusqu’à notre destination.

 

Mettre le moteur, affaler les voiles, préparer les pare-battages, le mouillage, les aussières, libérer l’ancre, brancher et tester le guindeau,  régler la VHF sur la fréquence du port pour se faire indiquer une place car il n’y a pas de mouillage autorisé à proximité. Le vent doit tourner sud en soirée, rester sud le lendemain, dimanche,  et surtout repasser nord  fort lundi. Pas simple. D’où ce choix de gagner le port.

 

 

Appel radio, pas de réponse,  mauvaise liaison,  difficulté à comprendre le gars du port, 7h, le soleil se couche, les feux d’entrée ne sont pas encore allumés… et soudain…  nous touchons un haut-fond! : j’ai tourné trop tôt!  je suis échoué! Merde, merde, et re-merde!

Je remonte la dérive, plutôt bon signe.. Machine arrière… rien! on est coincé. Répondre au gars du port, chercher à faire gîter le bateau, écouter les pêcheurs qui me disent de rester là au cas où il y aurait un trou dans la coque… c’est vrai je n’ai pas regardé s’il y avait de l’eau dans les fonds!… débarrasser la cabine tribord pour atteindre la cale, le vélo, les voiles, les coussins, les planchers …

… et c’est probablement toute cette agitation qu libère Ponyo!

Entre temps un bateau a été appelé au cas où il y aurait besoin d’un remorquage, les garde-côtes… et je rentre au port escorté comme un empereur romain;  la Police Portuaire appelle un  plongeur pour savoir si je ne risque rien à rester à bord, m’interroge sur mes pompes de cales, oui, elles sont en état, oui, deux électriques et une manuelle… oui je suis seul à bord… non seulement  le chef des coast-guards pose les bonnes questions mais en plus il m’amène une bouteille d’eau… la Grèce!..  tout le monde est adorable; je crains juste de les avoir inquiétés dans mon anglais approximatif.

Le plongeur remonte; il y a juste ‘a scratch’, une éraflure (le lendemain matin je plongerai pour constater qu’elle se limite au gel-coat, la résine en-dessous n’étant  visible nulle part).

Je demande au remorqueur qui s’est déplacé combien je lui dois. Il ne veut rien. Il dit qu’il est marin et qu’un jour ça peut lui arriver. Le plongeur non plus! Mais, insisté-je,  j’ai dérangé tout le monde, c’est moi qui ai fait la ‘mistake’, ‘it’s my mistake’!, .  “C’est comme ça..  ça s’est passé, c’est ainsi”

Après… Après la Police me demande les papiers du bateau; et elle les garde. Le lendemain je comprendrai que je dois solliciter de mon Ambassade  un “certificat de navigabilité”, qu’en attendant le yacht Ponyo, c’est la procédure,  est interdit de navigation (ça tombe bien mes amis Pierre et Claire arrivent le 6 à Paros!),  qu’il faudra une expertise, qu’il n’y a pas d’expert dans l’île, ni même de moyen de levage du bateau….  bref, une autre aventure commence!

(photo d’Agnès, de “Mistral  Gagnant”)