RACONTE-MOI KRIONERI…

Ormos Oxia, immense baie où tout le monde s’arrête avant ou après la traversée du Golfe de Patras, à moins que ce ne soit MISSALONGHI, ville lagunaire situé au bout d’un long chenal étroit dragué à 8 mètres,  flanqué de maisons de pêcheurs sur pilotis, et d’oiseaux de mer (cormorans, goélands, pélicans..) … qui parfois ont pied!

 

 

Le port est quelconque. La ville pas désagréable, mais les courses faites rien ne m’y retient. J’ai repéré un petit port à l’Est,  un peu à l’écart; il s’appelle KRIONERI (les eaux froides). On est le 6 octobre, et le 8 je dois récupérer mon 1er équipier, Bernard, à Patras, juste en face. L’après-midi est déjà bien avancé, mais c’est une affaire de 15 milles, allez, 4 heures, en comptant la traversée du chenal à 3-4 noeuds au moteur dans l’autre sens,  puis, une fois sorti de la zone limoneuse qui déborde largement la côte, on envoie les voiles par un petit vent de 10 noeuds dans le bon sens, mais qui doit faiblir en soirée…

Le bateau file à près de 6 noeuds, toutes voiles dehors et on est tranquille comme Baptiste.

Quatre heures plus tard le vent n’est plus qu’un souvenir, on avance à moins de deux noeuds  voiles en ciseaux, il  reste cinq  milles à parcourir et il est presque 19h heure locale.

Autant dire que le temps de ranger et d’arriver je peux faire une croix sur la taverna, s’il en reste une ouverte en cette saison…   Enrouler le génois, affaler et ranger la grand-voile, les écoutes, la drisse, allumer le  moteur. Puis les préparatifs d’amarrage ET de mouillage, car le quai public est très petit,  il n’y a de place que pour deux-trois bateaux tout au plus. Jumelles.

Imagine :

Le vent, le soleil et le soir tombent, synchrones. Tu allumes le feu en tête de mât; puis c’est la nuit. La lune, à peine décroissante n’est pas encore levée. Feux de route vert et rouge. Le bateau roule doucement. On ne distingue d’abord que les lumières du port.  Puis des bateaux de pêche le long du môle unique perpendiculaire à la côte. Ne pas oublier de guetter les filets. Pas de voilier en face, sur le court quai public.  Ce sera un amarrage, de nuit, solo, tu ne l’as jamais fait, mais tu as confiance; tu as une aussière à chaque pointe, plus une longue garde qui court entre les taquets avant et arrière, avec du mou pour pouvoir sauter à terre et contrôler les deux bouts du bateau, plus des pare-battages sur tribord, côté où tu vas atterrir … reste à savoir s’il y aura de quoi s’attacher. Pas de casier, pas de débordement rocheux, un oeil sur le sondeur, un sur le traceur… Impression soudaine plus nette du port, des distances…

Et tu arrives. Dans le silence du soir.

Il y a au moins une bite d’amarrage; des bidons qui flottent à tribord. Ne pas aller plus loin que le bout du quai, il y a un récif. Arrondir… pas trop tôt… pas trop tard.. petit coup de barre.. surtout que la manette des gaz soit au neutre.. un couple te propose gentiment de l’aide, mais tu es déjà sur le quai avec la garde dans chaque main; Ponyo brille de toutes ses jolies lumières. Au fond tu sais que ça n’était pas si difficile; ça n’en est pas moins beau.  Le reste, régler les aussières, les passer en double, une garde, éteindre feux et instruments… tu as toute la nuit.

Pour le moment, tu es heureux. C’est juste le temps du bonheur.

La taverne est éclairée. Les “crevettes saganaki” seront délicieuses. La lune s’est levée; il fait doux; et la falaise verticale après ces paysages d’estuaire, nous porte à élever notre regard.

Il y eut une nuit et il y eut un matin…

Il y a des endroits dont on a du mal à s’arracher. Krioneri en est un. Le village, si l’on est objectif ne casse rien. Petit port sans commerce. Des maisons. Une petite station balnéaire qui doit être remplie l’été, plages et parasols, maisons secondaires, mélange de vieux et de jeune, des parcelles d’arbres détruits par le feu…

Mais un site d’une grande beauté, qui n’est pas surexploité touristiquement. Et un joyau, comme j’avais déjà découvert avec émerveillement qu’il en existait ailleurs que dans les livres de Verne ou de Defoë, en Italie, à Cefalù  et à Syracuse… une source à fort débit tout près de la falaise Est, en bordure de plage… “et l’eau était si claire que je m’y suis baigné… il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai…”

Et je m’y suis baigné. C’est très étonnant: j’y suis venu à la rame avec les palmes le masque, le tuba… L’eau (de la mer) est encore à 27 degrés, peu profonde, et je me suis dit en nageant vers la rivière qu’elle allait devenir de plus en plus froide. Puis je me suis aperçu en nageant le crawl que seuls mes bras avaient froid. Qu’il suffisait de nager sous la surface où surnage l’eau fraîche, question de plus faible densité de l’eau douce, je suppose…

… et j’en ai profité pour me laver les cheveux à l’eau de source 🙂

Seule déception: on ne voit pas les poissons sur les photos de la rivière!

 

 

DE CHOSES ET D’AUTRES (2)

D’EPHIMIA AU DELTA DE L’ACHELOOS…

D’EPHIMIA (photos de l’orage) au port de SAMI au sud, de l’autre côté de la baie, il n’y a que quelques milles; quelques années, surtout. On ne peut pas dire ville ancienne et ville nouvelle, car depuis le tremblement de terre de 1953 les “villes anciennes” se comptent sur les doigts de la main.

                    (Maniphifico …)                                            

 

Le site de SAMI est magnifique; un balcon sur la mer, les îles, l’éternité… Seulement…  c’est avant tout un balcon pour capter l’argent du tourisme: ferries, grande marina sécurisante pouvant accueillir les flottilles, armada de restaurants de bords de plage avec menus en anglais traduits en grec (humour)… Je me suis donc mis au mouillage.

 

Il y a d’autres raisons à cela; d’abord je ne maîtrise toujours pas l’amarrage “cul à quai” :  lorsqu’on est seul, mouiller son ancre devant, reculer dans l’axe en gérant le vent, le déroulement de la chaîne, stopper à bonne distance, envoyer les amarres arrières  à quai, reprendre de la longueur au guindeau… Que la chaîne se coince, que l’ancre ne croche pas, que le bateau soit déporté en marche arrière, ou qu’il n’y ait personne pour attraper  mes aussières… je fais quoi?

Ensuite, une certaine distance de la côte vous protège du bruit, et le départ sur ancre est immédiat: on remonte l’annexe, parfois aussi le moteur hors-bord (mais les rames permettent de faire un peu d’exercice) … et on s’en va.

Une belle taverna à 2 milles nautiques à l’ouest en annexe, une bonne nuit de sommeil …  Sami est déjà oublié.

Mais je suis tellement las de cette faune touristique aseptisée que je décide d’aller à Astakos, complètement à l’Est, sur le continent, port réputé situé en-dehors de l’autoroute Lefkas-Patras, avec quand même un mouillage intermédiaire à Ormos Pera Pigadia au sud-est d’Ithaque.

 

 

 

(une ferme marine à l’entrée du golfe)

 

 

 

ASTAKOS:

Merci à ce port charmant, tranquille, à l’ambiance familiale (tout au moins en septembre), d’avoir su rester si résolument grec,  sans pour autant ressembler à un musée. Petite station à l’ancienne, certes  mais offrant une place à tous, vacanciers, locaux,  baigneurs, pêcheurs…   pour la ‘saison’ et pour la vie de tous les jours.

Preuve que la Grèce n’est pas forcée de vendre son âme à un certain tourisme (mais à quels grecs profite-t-il?)

Cela dit les prix ont carrément flambé dans tous les secteurs depuis une demi-douzaine d’années et les grecs ont du mal à s’en sortir;  la traditionnelle “philoxenia” (accueil de l’étranger) cédant peu à peu le pas au principe de réalité.

PETALAS: “l’essentiel est invisible pour les yeux”

Seul au monde. Paysage de zone humide immense; fermes marines; fond boueux, biodiversité, balade à pied sur la colline, poiriers sauvages (merci Laurie), terrains karstiques couverts de sauges boudée par le bétail et paysages d’îles et de plaines cultivées à perte de vue.

(Vue sur la zone humide du delta de l’Achiloos)

Le bonheur. Quand la vue se perd dans la lumière du soir, qu’aucun impératif ne vous impose de rentrer à un moment précis; que le bateau vous attend, en contrebas, sagement…

Ce bonheur- là, cette paix profonde d’être là, n’est pas immédiate et s’apprend, peu à peu. Dans l’agitation de la vie, que j’ai bien connue, rien ne vous y prépare. Il faut toujours qu’on manque ou qu’on aie peur de quelque chose. C’est le cadre social, qui vous dicte vos déplacements, vos obligations, vos comportements, vos désirs et vos satisfactions. Conditionnement ô combien profond. La plupart d’entre nous ne connaîtront pas autre chose, tant est éradiqué dès le plus jeune âge tout désir de ‘planer’, dans la salle de classe comme sur la route, et le cerveau sans cesse stimulé, publicités, musiques, information, circulation, medias…

 

 

 

 

C’est ce que bon nombre de marins exportent malgré eux partout où ils passent.

 

Il faut des lieux sans hommes pour se laver la tête, pour retrouver l’essentiel, pour se retrouver.

 

Aussi le voyage, tout voyage est-il d’abord un voyage intérieur. Ce qui le différencie  du tourisme.

“On”.. (qui se fait l’avocat du diable!) .. me dit que l’évolution actuelle du monde serait inévitable, que les générations futures ne souffriraient pas de l’absence d’un monde qu’elles n’ont pas connu, qu’il ne sert à rien de vivre dans le passé et de vouloir retrouver une Grèce qui n’existe plus. J’entends bien… et personne ne fera revenir les indiens d’Amérique, le foisonnement  animalier qu’on trouve dans les premiers  “Tarzan”, ni le tigre de Tasmanie … D’ailleurs le ‘dodo’ (raphus cucullatus) nous manque-t-il ‘vraiment ‘?

Mais qu’ont fait toutes les générations qui nous ont précédé(e)s à part nous transmettre des valeurs, de Cervantes à Victor Hugo ou Dickens,  d’Hugo Pratt à Miyazaki,  François Bourgeon, ou Benjamin Flao,  de l’Usage du monde à l’Eté grec en passant  par Alexandra David Néel , Joséphine Baker, JRR Tolkien ou même JK Rowling?…

Militer contre la laideur.

La magie est partout.

 

 

 

DE CHOSES ET D’AUTRES… (1)

Le bateau, le vin, et pour de nombreux grecs l’ouzo .. ont cela en commun qu’on n’aime pas trop y voir de l’eau dedans.      Cela dit les chaussures (la veste de quart de base ne vaut pas mieux) d’une marque ‘andine’ bien connue non plus.

(astuce: pour avoir les pieds bleus, elles existent aussi en ‘marine’)

On apprend tout le temps… Venu jusqu’au quai principal d’Agia Efimia (Sainte Euphémie) … dans l’annexe à la rame pour acheter deux amarres de poupe, je reçois une alarme avec une sonnerie inhabituelle sur mon téléphone portable; c’est écrit en grec et ça s’efface aussitôt. No stress, me dis-je… et  je m’assieds dans la foulée..  🙂  au bord du quai,  tripatouillant l’objet dans l’espoir ingénu de retrouver le message quelque part dans “mes notifications”… J’y suis encore un bon quart d’heure après, têtu, lorsque levant la tête de mon écran je vois ceci:

Faut-il être assez idiot, pour laisser le virtuel, censé nous aider à tout avoir sous notre contrôle, occulter à ce point notre perception du réel! Evidemment j’ai laissé tomber mes achats illico, et suis retourné dare-dare au bateau en affutant mes coups de rames, façon galère-allure-de-combat.                                                                                                                                                                     A mi-parcours le vent était déjà assez fort pour rendre très incertain mon retour à bord, quand un voisin hollandais motorisé m’a pris en remorque dans les derniers mètres.

Alors oui, j’avais bien reçu une alerte météo sur le téléphone… Ce n’était finalement qu’un simple grain, mais la photo rend mal la noirceur électrique profonde et la subtile altération du son qui accompagne  l’approche de l’orage. Et j’aurais cette fois  tout aussi bien pu rester mouillé où j’étais. Mais le spectre des tornades de Girolata en Corse ou de Vlycho près d’ici (Lefkada) m’incitaient plutôt à envoyer toute ma chaîne.

Lesson-1 c’est le réel, l’important. Une fois comme ça j’avais  failli passer sur la tête d’un plongeur parfaitement signalé, quoiqu’à 6 milles des côtes, tout absorbé que j’étais  à paramétrer mon GPS dans le cockpit!

Lesson-2 il reste encore en mer des gens avec un sens spontané de l’entraide, le gars juste qui voit le petit coup de main qu’il peut vous donner sur le moment pour vous éviter de l’embarras ou la galère … C’est pas de la barre-de-céréales pour le moral, ça ; *

* en grec le “?” se note “;”

(et le “;” alors? .. ne manqueront pas de demander certains…  Avec un point au-dessus de la ligne, petits malins!)

ITHAQUE… AH! ITHAQUE…

 

 

 

 

 

 

 

 

Par où commencer?

Vathy, peut-être?:      saison-1

Arrivé le 20 septembre. Vathy est remplie de bateaux de location majoritairement loués par des anglais in ‘hollidays’…  Cette surfréquentation touristique,  enlaidit, dénature, et fausse tout: manoeuvres de port, mouillages, relations entre les gens…  Car les ports d’Ithaque sont de petits ports, de petits villages, il n’y a pas grand chose à faire ou à voir.  Les gens d’ici me semblent assez démunis face à ces nouveaux envahisseurs. Que faire avec eux, pendant trois mois, à part de l’argent puisqu’ils ne comprennent plus que ça:

Je suis un loueur: si je loue 10 bateaux dans le port, je gagne 20000 euros; si j’en loue 100 j’en gagne…   dix fois plus!                  Si un port dispose de 100 places, et que j’en ai loué 80; il y a 20% de cette manne qui m’échappe … Mais si je louais toutes les places je gagnerais…  encore davantage! Donc poussez-vous que je m’y mette!

Un jour, après avoir rêvé de Grèce à l’école, étudié sa pensée, sa mythologie, son théâtre,  lu maint récits de voyages, et de livres de mer, de Gerbaud à Janichon , des éditions Arthaud, d’Antoine… un jour donc on finit par acheter son bateau.            On n’arrive pas tout de suite à Ithaque; il en faut du temps, de la peine, avant de pointer son étrave dans cette belle baie.

Aussi quand on s’approche du quai principal bondé, bruyant, inaccessible, et qu’on n’entend quasiment pas parler un mot de grec,  on se dit qu’on s’est  trompé de destination, que si Moitessier revenait, il serait pris pour un plouc par la moitié de ces guignols.

Pourquoi venir de si loin pour retrouver ce qu’on connaît déjà?

Bientôt il n’y aura plus que des bateaux de loc: on nous chassera comme partout à coup de normes, de sécurité, de places privées, de promiscuité inculte et braillarde… on nous fera mouiller par 50 mètres de fond, sans possibilité de faire ni eau ni gasoil, et musique techno sur chaque plage du coucher au lever du soleil,  oui… on va vers ça :

Privé, défense d’entrer, chien etc..
"Privatisez vos vie si ça vous chante, mais pas la terre, la mer, l'air..."
Privatisez vos vies, pas la terre, la mer l’air

 

 

 

 

 

 

.. un monde où tout se ressemble.

ITHAQUE:      saison-2

 

 

 

Et puis un jour, le 23 peut-être, ils sont partis, comme un nuage de sauterelles.  Tout d’un coup, comme ça…

Et ça a tout changé.

 

Les gens se remettent à parler grec, à sourire, à rigoler; on m’explique comment se mangent ces espèces de gros haricots que je n’ai pas encore goûtés… Mais tout ne redevient pas vraiment pareil qu’avant … à commencer par le coût de la vie !

 

Si Vathi, ou plus encore la jolie Kioni ou le charmant tout petit port de Frikes, ne sont pas adaptés à cet afflux annuel de locustes, leur départ leur restitue  le charme qui a fait leur notoriété.

 

 

J’ai raté mon premier mouillage méditerranéen à Kioni. J’ai eu le temps de manger, mais il n’aurait pas tenu la nuit. Alors j’ai trouvé une place le long du quai intérieur de Frikes; de justesse. Car une espèce de clysopompe  m’a grillé la politesse au moteur en prenant l’avant-dernière place à quai. Solidarité entre nouveaux marins…

Le vent porte contre le quai. Pour sortir demain il faudra se lever tôt.

Levé tôt, le vent vient bien  du quai, pourtant je ne pars pas; pourquoi ne pas profiter de cet amarrage sûr pour aller jusqu’à Stavros, la patrie d’Ulysse?

Quel bonheur de s’élever à pied, pas après pas dans la campagne grecque. Vue dégagée sur deux puis trois mers… Cette île est admirablement proportionnée, harmonieuse, attachante.

Bon, le village de Stavros est un chef-d’oeuvre d’accueil approximatif. Maquette de la Maison d’Homère/Ulysse  sur la place en face de l’église, balisage mal foutu, renseignements minimalistes au musée, site archéologique excentré… La raison en est simple je crois : les gens ont enfin compris ce que pouvait signifier pour eux l’exploitation d’un site hellénique majeur  (après Agamemnon, Ménélas, Nestor… le palais d’Ulysse!) … et protègent leur tranquillité. Il est plus facile de faire rentrer le serpent dans sa boîte que de l’en faire sortir!

Mais quand même quelle trouvaille que ce nom d'”Homer School”!… Circulez il n’y a (presque) rien à voir.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me voilà donc réconcilié avec Ithaque. J’aime cette île. Elle a tout pour elle. Sauf peut-être de l’eau en quantité.  Saint-Tropez a pu ressembler à ça.

Quand les gens se connaissaient et se parlaient en provençal.   Avant l’argent roi.

Unfortunatly le mois de septembre s’achève, et je ne parle toujours pas grec.

(Photo d’une source en contrebas, de l’autre côté de la route..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

.. et quelques objets du musée dont beaucoup proviennent de “la grotte d’Ulysse” située beaucoup plus bas à l’ouest, au niveau de la mer, objets

d’offrandes aux dieux. Mais la grotte s’est depuis partiellement effondrée, a subi des pillages, et je n’y suis pas descendu).

 

KASTOS ET KALAMOS

 

 

 

 

 

 

 

Les asphodèles chères  à Jacques  Lacarrière (L’Eté Grec)

 

 

 

 

 

KASTOS ET KALAMOS:   îles ‘oubliées’… comme disent les  rédacteurs spécialisés. En tout cas pas par les flottilles de location. Infernal.

A terre en revanche, j’ai pu faire le tour de l’île de Kastos à pied sans voir âme qui vive à part des chèvres, deux tortues, et quelques  oiseaux sur près de dix kilomètres. Enfin pas tout à fait: une dame du village m’a dit “Kalimera”, qui veut dire bonjour (le matin), et une dame australienne m’a souhaité bon voyage dans la langue de Benny Hill… (‘Kalo taxidi’ en grec,      Assimil leçon-3)

Vue splendide du côté ouest sur Kalamos, tandis que du côté Est la petite route longe une succession de criques turquoises encore vierges de parasols et de tavernes.  La Grèce avant la folie touristique. Mais la nature humaine a horreur du vide…

 

Un problème récurrent des petites îles pas très riches: les ordures, les  matières  plastiques, qui se retrouvent dans la mer ou … dans la féta? Peut-être Athènes, peut-être l’Europe.. ?

 

Il est difficile d’expliquer pour quelle raison on éprouve un tel bonheur à marcher seul en plein soleil dans une campagne grecque austère et déserte. Mais accompagné, aurais-je été intrigué par le cri bizarre de ce mâle tortue chevauchant sa compagne (tortues que j’ai filmées sans malheureusement songer à prendre aussi une photo pour le blog)?

 

… (merci à Michel pour la récupération de la photo depuis la vidéo! )

 

La beauté est partout. Alors la raison… la raison est sur pose.

DU GOLFE DE PREVEZA A NYDRI PAR LE CANAL DE LEFKAS, ET MYTICA

Le temps a ses étales…

 

 

 

 

La météo annonce du vent d’ouest pour le lendemain; tant pis pour les villages du nord de cette si reposante petite mer de Preveza. Il faut descendre sur Lefkas si je veux avoir le temps d’explorer les îles Ioniennes, puis embouquer le passage entre golfe de Patras et golfe de Corinthe, franchir le canal, et découvrir la mer Saronique.

 

LE CANAL DE LEFKAS: 

 

 

 

 

Il est fermé par un pont tournant qui s’ouvre à chaque heure ronde. Il faut être là un peu avant pour être prêt à bondir au premier coup de sirène, car on n’est pas tout seul… Petit moment de stress, le bateau n’a pas de frein à main; il faut jouer de la manette des gaz, avant, arrière, ne pas se laisser embarquer par le vent, sans aucun endroit pour s’amarrer car toutes les places qui pourraient être utilisées sont monopolisées par de l’amarrage longue-durée.

NYDRI (LEUCADE) , ILES IONIENNES DU NORD:  

Le site est magnifique. La ville s’étale sur le rivage, ouverte mais quelconque; pas de quartier historique, restaus et locations; international dans toutes ses déclinaisons: villas de riches héliotropes du nord, peu de sentiers, si l’on excepte LA balade (confidentielle ?) de 3km jusqu’aux ‘katarraktes’ , chute d’eau au débit réduit en fin de saison, assez jolie mais pas du tout dimensionnée pour accueillir les 200 personnes que l’ennui ou les tour-operators y précipitent, et qui n’ont visiblement jamais mis un pied dans les Pyrénées.

 

 

 

De nombreux voiliers dans ce grand mouillage sûr au fond de vase de bonne tenue, certains sont là depuis longtemps… plus quelques ‘quartiers flottants’ ensoleillés et sympathiques qui se font oublier en marge du système… le genre de lieux qui peuvent vous retenir des mois…

… Car pourquoi bouger?

 

ENFIN LA GRECE

 

 

Vonitsa:

Ce n’est pas Corfou, ce n’est pas Delphe ou Corinthe et j’y suis arrivé avec des rafales à 30, si bien que n’entendant pas le moteur démarrer je me suis dit qu’il me faudrait me débrouiller pour mouiller ( ‘jeter’ l’ancre) à la voile…   MAIS c’est la première fois que je me suis senti en Grèce: paysage, gens, rythme, et bien sûr la mer.

Elle n’a pas la limpidité cristalline des prospectus car c’est une eau de golfe, où l’on trouve d’ailleurs pas mal d’élevages, de crevettes en particulier… la crevette c’est un peu comme le tatsiki, rien à voir avec ces impostures qu’on nous vend dans les supermarchés!

 

 

Petite marche en bord de mer après avoir laissé l’annexe dans un mini port de pêche. Cela fait partie des questions récurrentes qui se posent à chaque escale: où va-t-on laisser l’annexe? où va-t-on laisser la poubelle? (Les Italiens sont les champions du tri sélectif; en Grèce pour l’instant ce n’est pas au programme, et les côtes, les bords des routes sont jonchés de débris de plastiques divers), où est le super marché? y a-t-il un marché, et si oui quel jour?…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour l’instant je me laisse vivre. Tellement qu’en arrivant au château qui domine le village je n’ai pas un sou pour payer l’entrée. Tant pis pour le chateau, la vue est tellement belle depuis la guérite du gardien et d’une jeune fille .. qui me laissent finalement rentrer sans payer. Je suis seul là-haut. L’air est embaumé par des  touffes de petite fleurs blanches, la vue est splendide, les cigales, les arbres, impression pour la première fois du voyage d’être totalement au bon endroit, au bon moment et d’avoir exactement tout le temps qu’il me faut.

Ni ennui, ni solitude, ni rien qui me manque à part peut-être de savoir parler grec.

 

CORFOU, PREVEZA, MER IONNIENNE

Preveza.. que dire?.. ville pratique, papiers et droits d’entrée, supermarchés, marinas, aéroport …  ville agréable ou insipide .. Les Marinas sont pros, et se la pètent. Apathiques et anempathiques, à l’image du monde auquel on croit pouvoir échapper mais qui gagne, qui gagne partout même en Grèce. Allons, qui vient en Grèce pour cette Grèce là?…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La ville de Corfou a dû être un bijou du temps de Sissi. Les flots de touristes et la pluie ne parviennent pas à occulter la grâce, l’harmonie de ‘ce-lieu-hors-du-temps’ (!). Mêmes parapluies jetables et ponchos multicolores qu’à Venise quand il pleut, que j’imagine à odeur de couvre-cahiers d’écoliers..  Un joli marché où l’ouzo est accompagné d’amuse-gueules simples et délicieux.  Surtout la très belle Cathédrale Orthodoxe: à l’intérieur les photos sont interdites, les touristes, beaucoup d’Europe de l’Est, sont silencieux, et souvent prient avec ferveur. Les proportions de l’ensemble, l’iconostase, la façon dont l’église est décorée,  en font un lieu habité et paisible.

Septembre. Nettement moins de touristes dans les rues de Preveza après ce mois d’août passé en France. Ponyo a un bimini tout neuf; les pleins sont faits, eau, gasoil, courses, et nous partons avec deux ris par 15 noeuds de vent d’Est en prévision d’un renforcement qui se produit, début d’après-midi, entre 20 et 25 noeuds . L’idée étant de faire le tour du Golfe de Preveza avant de descendre sur le canal de Lefkas au sud, entre Leucade et Ithaque. Il semble que le temps ne cherche pas à gagner du temps, dans ces parages… et je ne serai pas déçu.

 

 

DE LA SICILE A LA GRECE

Tenir à jour un blog, cela devient vite comme le courrier en retard de Gaston: irrattrapable!,

Ou dit autrement , comme me le fit remarquer l’employé peu aimable d’une station de gasoil qui me laissait me débrouiller avec mes amarres par vent travers venant du quai : “pour conduire un bateau comme ça il faut au minimum être deux”…    Bien sûr qu’on y arrive seul; mais on est toujours occupé et les moments de repos sont rares. Ce n’est plus de la plaisance, c’est un travail. Il faut savoir ce qu’on veut vivre.

J’ai abandonné le blog, et suis rentré un mois à terre pour refaire le plein des batteries et repenser ce voyage.

Entre les étapes de 70 milles (14 heures à 5 noeuds de moyenne) “qu’imposent” le franchissement d’un golfe ou d’un détroit, ou telle prévision météo, le rythme qu’on croit lire dans la mer ou le vent  parce qu’on ne veut pas de se retrouver scotché pendant des semaines dans le même mouillage pour avoir voulu éviter un 20 noeuds  prévu pour  le lendemain, les nuits sans air (mais pas sans moustiques) , le moteur qui a tourné toute la journée, encore tiède au matin..  la fatigue s’accumule.

Pourtant l’un des 7 fléaux sur la mer n’est-il pas la pitié de soi?…

LE DETROIT DE MESSINE:

Un bon site italien (correntedellostretto.it) donne l’heure des étales de pleine et basse mer … Encore faut-il savoir de quelle heure on parle avant de s’amarrer au ponton de la petite station-service des Ganzirri (on peut aussi les appeler):           heure-temps-universel ou heure-locale?…

 

Station service des Ganzirri

        Pêche à l’espadon

 

Que ceux qui ne croient pas aux courants de marée en Méditerranée fasse un petit tour par Messine.

Si les tourbillons de Charybde et Scylla ont un peu perdu de leur superbe, après un fort séisme au XVIIIème siècle qui aurait modifié le relief des fonds marins dans le détroit, un vent fort contre un courant de 3 ou 4 noeuds génère toujours une mer confuse

.. autant que poissonneuse…

“Corrente”…

SYRACUSE:

Le théâtre grec de Syracuse

Venant de Taormina, il ne faut pas bouder son plaisir , Syracuse est une belle escale. Des Yachts de luxe, des touristes nombreux, certes, mais un site archéologique magnifique et un quartier portuaire avec son ile d’Ortigia plutôt agréable.    Le reste de la ville déroute un peu avec ses magasins dispersés au milieu d’immeubles et d’avenues sans trop de charme… mais il faut bien vivre!

 Syracuse

 L’oreille de Dionysos

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vues de Syracuse, et de la “Fontaine d’Aréthuse”

                                                                                 Taormina

NOTO :

Un peu pompeuse, Noto… Un joli musée, un joli théâtre, des bâtiments à l’architecture imposante…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LES ILES LIPARI

Petit mouillage en bord de plage / bord de route sous le Cap Orlando, puis toutes voiles dehors dans un vent de Nord-Est faible 7 à parfois 10 noeuds (1 mille marin par heure) reçu par le travers. On marche à 4, parfois 3 noeuds…

… on marche à pied, quoi, mais c’est plutôt bien agréable …

VULCANO

…  sur la route du Stromboli (on l’aperçoit en arrivant dans le passage d’un demi mille entre Lipari et Vulcano)

Il y a des lieux, des gens, qui nous séduisent d’emblée. Pour d’autres c’est le contraire. Je me faisais une joie de randonner jusqu’au sommet du volcan. Quelque chose dans cette île ne m’a pas plu. Elle me rappelle comme dans certains archipels espagnols, que l’hospitalité, la curiosité pour l’étranger, l’échange, l’espace public … ont vécu; qu’il reste le business, la propriété privée, l’exploitation touristique, rent, lounges, resorts et autre ..

* .. musique internationale binaire pour les pieds.

Je n’irai pas là-haut, ça ne m’inspire pas, même pour dire que j’y suis allé, même pour ajouter une photo à ce blog …  mais je ne dis pas que j’aie raison.

Allez… trois photos d’en bas, bains de boue, people, et eaux chaudes jaillissant de la mer… (en Islande, je comprends; mais ici l’eau est déjà à 30°C …)

Les fumeroles sur le volcan

STROMBOLI:

Apercevoir le Stromboli, même de loin, c’est comme emprunter le détroit de Messine, entrer dans Syracuse, ou  voir l’Etna soudain émerger de sa brume: devant chaque lieu unique on est là, juste là, intensément là;  à la fois insignifiant,                       et comme transporté dans une sorte de réalité augmentée.

 

le Sromboli