ISTANBUL JOUR 3

LE PALAIS DE TOPKAPI :

(Ozlem, ma guide préférée!)

Un nom tout droit sorti de chez Tintin. Un palais, une ville-palais qui fait plus penser à la Cité Impériale chinoise ou  à l’Alhambra qu’à nos maigres châteaux occidentaux du temps de Jeanne d’Arc!

Je n’ai guère pris de photos du trésor; vous seriez déçus; même à cette époque les riches pouvaient avoir un sacré goût de la surcharge, celle qui fait la différence entre un riche et un encore plus riche.

LA CROISIERE SUR LE BOSPHORE :

Je n’y tenais guère… Remonter le Bosphore avec Ponyo, c’était un peu la “cerise sur le gâteau” de notre voyage jusqu’à Istanbul… la vue sur Ste Sophie depuis la mer… Mais entre le trafic local important, les ponts, et la navigation.. le choix de la raison s’est imposé: comment prendre le téléphérique pour aller boire un café turc au café de Pierre Loti (que ne n’ai pas lu!), embrasser d’un même regard la Corne d’Or et le Bosphore?

Et prendre le temps de vivre? … “A la ville comme  à la ville!”. Il faut ruser.

 

LE CAFE DE PIERRE LOTI :

SAINT SAUVEUR EN CHORA :

 

Je n’en avais jamais entendu parler. L’intérieur est magnifique. Quelques photos d’une toute petite partie des mosaïques inspirées par l’histoire de la chrétienté depuis les tout débuts, les ancêtres et parents de Marie, son éducation, son mariage, et pour quelle raison, sa fuite, Elisabeth, la naissance de Jésus, ses premiers miracles… Une bande dessinée d’une richesse exceptionnelle qui me montre à quel point mon éducation religieuse a des lacunes…

   

Maintenant les hauts-parleurs de la mosquée nous assourdissent dans le café où nous déjeunons, juste à côté, en attendant l’ouverture; des politiques s’affichent à proximité; des tapis sont disposés à la sortie pour la prière… une volonté de prosélytisme qui agace les musulmans qui n’éprouvent pas tous ce besoin d’étaler leur foi dans l’espace public.

Un peu lourd cet Islam-là… Mais ne nous sommes-nous pas battus pour avoir le droit d’exister en dehors de l’Eglise?

“On ne voyait pas ça avant” me dit Ozlem. C’est au mot près le constat de Djamila à son retour d’Alger. On pense à ce si beau livre de Qais Akbar Omar: “Kaboul était un vaste jardin”.

Mes amis suisses de Vinarius ont mis une phrase de Jean-Jacques Rousseau (en allemand, ça fait bizarre) en exergue de leur site:

La liberté de l’homme ne réside pas dans le fait qu’il peut faire ce qu’il veut, mais dans le fait qu’il n’est pas obligé de faire ce qu’il ne veut pas“.

LE BAZAR EGYPTIEN :

(le panoramique est d’Ozlem)

LA GARE DE L’ORIENT EXPRESS :

Istanbul attention! Un rêve peut en cacher un autre! Et puisque tout doit finir un jour, autant que ce soit comme ça a commencé, sur le quai d’une gare et pas n’importe laquelle!

   

   

Alors Bye-Bye Ozlem, continue à partager ta ville avec ces gens qui viennent la voir de partout dans le monde, ton travail est tellement utile: apprendre à voir, à sortir de son petit univers pour en découvrir un autre, à le connaître.

Car on ne peut aimer que ce que l’on connaît.

 

ISTANBUL JOUR 2 (suite)

Il ne servirait à rien de décrire tout ce que j’ai vu. Ozlem a une connaissance extrêmement profonde de l’histoire de sa ville, de l’antiquité, de la Méditerranée, de l’histoire tout court. Pour voir ce qu’elle m’a montré, expliqué, mis en perspective au travers de ses 28 années de carrière il m’aurait fallu… Ozlem, et je lui suis infiniment reconnaissant.

En plus c’est vraiment une bonne personne et parcourir les rues d’Istanbul, aller manger chez Galeyan, prendre un café turc au café de Pierre Loti,  l’écouter détailler les mosaïques de St Sauveur-in-Chora, arpenter les ruelles et les salles du Palais de Topkapi, Ste Sophie, la Citerne basilique,  le bazar égyptien ou le magasin de tapis de Mehmet Tekkanat au-dessus de la citerne Nakkas …  et prendre ensemble  une “Efez” à la gare de l’Orient Express…. fut avec elle un réel enchantement.

L’HIPPODROME :

                  

Immense; on pense à la course de chars de Ben Hur, mais c’était encore plus grand. On y retrouve l’original de la colonne spirale de Delphes, et la partie supérieure de l’obélisque ramené d’Egypte par bateau, qui se fractura; et dont on ne sait plus où se trouve la base (j’ai retenu 30 tonnes, mais les chiffres et moi…)

LA CITERNE NAKKACH :

         

Sous terre, elle abrite un musée avec des reconstitutions de l’hippodrome.

Juste au-dessus le plus beau magasin de tapis que j’ai vu de ma vie, accueil royal et immersion stupéfiante dans cette … galerie d’art, il n’y a pas d’autres mots. Ma maison est en location et malgré cela j’aurais bien craqué, il y en a à des prix plus abordables que je l’aurais cru; et ils livrent en France.

   

Mais un tapis ne se commande pas sur internet; un tapis ça se VOIT, ça se touche; certains vous attirent d’autres non. Aucune photo ne restituera la couleur que prend un tapis quand change l’angle qu’il fait avec la lumière, encore moins l’émotion qu’il vous transmettra ou pas. Il n’y a là que des pièces uniques; une dame en fabrique un en direct et c’est fascinant!

SAINTE SOPHIE :

Grande, massive, pas mal pillée à travers les âges, peu de mosaïques, certaines sont occultées par un linge. Mais impressionnante. On se demande comment le haut supporte le poids du tourisme. Le bas ne se visite pas.

      

    

LA FONTAINE BASILIQUE :

Là aussi que dire? Il faut s’imaginer une cathédrale sous terre, une crypte du Mont St Michel géante, voir les colonnes se refléter dans l’eau, dont bon nombre sont du réemploi, avec des variations, têtes de méduses supportant certains piliers pour des raisons peut-être simplement opportunistes, recevoir des gouttes d’eau infiltrée sur la tête… On est vraiment ailleurs (pardon pour les photos d’IPhone qui rendent très mal les lieux obscurs).

   

   

   

A ce stade , un signe qui ne trompe pas: l’envie de revenir.

Peut-être pas avec Ponyo. Je ne voudrais pas abuser de sa patience. Lui ce qu’il veut c’est naviguer, naviguer, naviguer… eh! je n’ai plus vingt ans! Mais c’est vrai, ça me manque aussi. Et cependant la perspective d’avancer dans la saison touristique et d’aller vers la chaleur me donnent des hésitations. Odessa?.. Et puis quoi, encore?…

ISTANBUL JOUR 2

Cela commence très mal. J’ai RV avec Ozlem à FENERYOLU,  gare du ‘MARMARAY’ plus proche du mouillage que celle d’hier. Ozlem je ne l’ai jamais vue. Hier j’ai fait des heures de marche pour aller jusqu’à KADIKOY. Le train traverse le Bosphore a plus de 50m sous terre. Je ne connais pas le quartier, qui est hors de mon plan, je vais être en retard. Je prends un premier ‘Dolmus’, un genre de Taxico qui ne va pas à la station que je lui montre sur la carte, mais qui me conduit à un autre Dolmus qui…  Stress. Une dizaine de personnes. A l’arrivée je n’ai plus ni téléphone ni tablette! Cauchemar; un appareil ça  pourrait encore le faire; mais deux mon voyage est fini.

J’essaye de “m’appeler” avec un téléphone prêté. Rien. Je note la plaque, l’heure,  et fonce à Fenergolu. On avait convenu de 9h30 mais elle m’avait appelé pour me dire qu’elle était déjà là, d’où l’accélération. 1er miracle elle est là, me reconnaît, elle m’appelle par mon prénom. Téléphone, police. Rien. Pendant ce temps-là les passagers du deuxième Dolmus s’égayent dans la nature. Je demande à Ozlem d’appeler mon numéro plusieurs fois, des fois que… Deuxième miracle on lui répond. C’est le chauffeur du premier bus.

Les deux jours suivants avec Ozlem à travers Istanbul sont deux jours de pur bonheur! Quelqu’un me veut du bien en haut lieu,

ISTANBUL JOUR 1

    

A Istanbul on n’est pas chez Mémé.. Le mouillage que j’ai choisi se trouve du côté asiatique du Bosphore, au sud-est (le point rouge à droite).

Avant il faut traverser une zone de mouillage qui s’étend sur des dizaines de kilomètres, avec des bateaux immobiles, mais pas tous, puis croiser le rail proprement dit à l’endroit où il se resserre comme un entonnoir, au milieu des cargos, des ferries, des croisiéristes, des particuliers, chacun circulant là-dedans entre 5 et 20 noeuds, avec l’écran Ais en bas, à la table à cartes; et bien sûr anticiper un courant de 2 à presque 4 noeuds selon les endroits. Stress assuré.

KADIKOY, RIVE DROITE (ASIATIQUE) DU BOSPHORE :

On atterrit au mouillage de KADIKOY-KALAMIS, dans le vaste plan d’eau situé entre les immeubles du fond et la jetée en milieu d’image. En zoomant on devine même Ponyo.

 

La Marina juste à côté est pleine de bateaux locaux. Très chère (vers les 160 euros/nuit pour un moins de douze mètres), pas d’endroit pour laisser l’annexe, loin d’Istanbul etc.. On s’adapte. On s’adapte toujours, sinon on s’en va. Heureusement la météo est avec nous, calme dans la durée.

Et les turcs sont pour la plupart très prévenants: “comment puis-je vous aider?” ais-je entendu au moins dix fois. Mais il y a des gens gentils, même à Paris. On sent cependant parmi les moins de quarante-cinq ans une vraie envie de donner une bonne image de la Turquie qui n’est pas juste une image.

 

 

     

(parcs très fréquentés, quelques bières mais surtout du tchaï , et statue d’une footballeuse doigt pointé et natte en l’air…  le Stade du Fenerbaçhé, le bel Hôtel Hilton, l’embarquement des ferries pour “en face”, mais on traverse aussi le Bosphore en train par en-dessous grâce à un tunnel plutôt profond)

   

   

ISTANBUL ‘IN EUROPE’, RIVE GAUCHE :

J’ai contacté un guide francophone il y a plusieurs jours. Difficile de planifier une date avec le bateau; et la saison bat déjà son plein! .. fin mai! Et finalement nous avons rendez-vous le 30 et le 31 avec une de ses collègues. Ce sont des guides professionnels, très pointus. Mais je veux d’abord aller voir par moi-même, savoir où sont les lieux, les distances, les moyens de s’y rendre, laisser faire le hasard.

MOSQUEES :

(Aya Sofia, ancienne cathédrale,  puis musée, puis mosquée depuis très peu de temps)

LE MUSEE ARCHEOLOGIQUE :

Il mérite bien une visite; malgré assez peu de pièces majeures:  il y a énormément d’éléments historiques réunis là et très intelligemment mis en perspective…un régal.

Et puis Sapho. Ah, Sapho!… Cette tête toute de sensibilité et de pure mélancolie… J’ignore si elle a servi de  modèle pour cette statue, mais celle-ci est assez particulière;  sa bouche n’a pas la lourdeur formelle de nombre de statues de dieux ou de déesses .  Elle date du deuxième siècle avant JC. Je ne sais pas si Pradier, qui sculpta la Sapho du musée d’Orsay, la connaissait.

Mais je ferais volontiers un bond en arrière de 22 siècles dans le passé pour entendre sa voix.

      

Un premier jour qui avec toutes ses erreurs d’aiguillage, ne peut être réduit à quatre ou cinq photos de blog. Istanbul est immense (17-18 M d’ha). Et qui ne rend ni les odeurs, ni les bruits, ni les musiques, la chaleur, l’appel des muezzins…

VERS LA TURQUIE

Eh oui, j’ai pris du retard! 4 pages de journal de bord, c’est plus de 200 milles, 600 photos, dont plus de 400 rien qu’à Istanbul! En réalité il ne s’est écoulé ‘que’ 10 jours depuis que j’ai quitté LEMNOS. J’écris ces lignes du mouillage de Kalamis au sud d’Istanbul; WordPress en mode brouillon vu le forfait ‘Turquie’ anémique d’Orange, Turquie pays hors Europe, gaffe à la facture en rentrant; et le wifi de la Marina, 200m à vol d’oiseau, ne permet pas de télécharger. Mais on est dimanche et j’attends les vents du nord pour le retour; un comble!

          DARDANELLES :

Rien que le nom fait rêver. Dans la pratique c’est pourtant synonyme de vents de nord-est, c’est à dire dans le nez, et de formalités administratives (marina chère, documents d”entrée’, ‘agent’ local… rebelote à la sortie), et aussi  nombre limité des ports d’entrée possibles.

Une côte boisée avec un énorme monument moche, et une colonne blanche:  25 avril 1915; c’est d’abord le souvenir d’une hécatombe: 25000 morts français, entre 100 et 200 milles jeunes anglais, australiens, néozélandais tués pour rien dans une expédition conçue par des gens bien élevés dans des bureaux prétentieux; sans doute autant du côté turc.

Préparation calamiteuse des l’amirautés, mépris de la vie… Les alliés ont perdu.

De nos jours c’est un trafic impressionnant de pétroliers et de cargos de Palau, des îles Marshall, un rail qui ne désemplit pas et qui borne le secteur de louvoyage de nos voiliers. On ne vient pas en Turquie par hasard.

Moi si.  Jusqu’à Istanbul je ne verrai aucun autre bateau à voile.

       

          CANAKKALE :

Port d’entrée. Surtout d’entrée en matière, premier contact avec la Turquie. Ville moyenne extrêmement vivante. Habitué à une certaine austérité grecque et sans doute rempli d’idées préconçues je découvre une Turquie jeune, moderne, aisée, un mélange de filles islamisées, de jeunes femmes très sexy, et de touristes. Car CANAKKALE c’est avant tout la ville d’atterrissage pour visiter le site de TROIE; également celle de la statue du cheval éponyme, ridicule pour les uns, défi pas si mal relevé pour d’autres.

          TROIE :

 

J’entends souvent: “à Troie il n’y a rien à voir”. Nous n’avons pas tous le mêmes yeux, le même regard. Alors bien sûr je n’ai pas trouvé l’image idéale de Troie qui résumerait à elle seule la vue depuis les remparts, la porte par laquelle entra le cheval, et avec lui la ruine de la cité. Mais je vois ce qu’a vu Hélène,  Hector.. Ce même paysage qu’ils ont contemplé pendant dix ans.

Bien sûr la baie s’est ensablée, mais la mer reste visible. Il n’est pas difficile de l’imaginer du temps de Priam. Pour moi les fouilles et leur mise en valeur, et la visite du musée sont suffisamment éloquentes.

 

(Si l’on n’aperçoit guère Troie de la mer, on distingue très bien l’émouvant  tumulus de Patrocle et d’Achille… la tombe des héros)

 

 

 

 

LE MUSEE :

                  

(une belle Aphrodite qui rappelle un peu celle de Cnide, de Praxitèle,  la plus belle Aphrodite de tous les temps, dont il ne subsiste que la copie romanisée du palais Altemps à Rome)

Et puis il y a la réalité: la Marina coûte 125 euros, le chauffeur de taxi m’attend pendant que je visite, d’abord le site, puis le musée;  il faudrait tellement  plus d’une journée pour tout lire…

… et sans doute un cerveau plus récent que le mien pour fixer tout cela… Mais voyager c’est voyager avec ce que l’on a, s’accepter tel que l’on est…

Et moi je suis à Troie, et j’ai une chance folle.

HOSKOI :

.         )

Il y a peu de probabilités pour que vous connaissiez HOSKOI. Le vent de nord-est s’est renforcé et doit se renforcer encore,

il y a peu d’abris; j’ai passé la nuit précédente à SARKOI, village de pêcheurs où les gens me font signe d’entrer; mais le port est saturé, et le mouillage a l’air correct.

Erreur. Il s’avère très rouleur. Le mouillage officiel est de l’autre côté mais encore moins protégé de l’Est. Visite de la police; un jeune sergent très correct, il insiste pour voir mon passeport, pas uniquement la carte d’identité. Selon mon attitude ça pourrait déraper. Mais je suis confiant et amical, et surtout en règle; finalement ils me laissent rester là.

Mauvaise nuit. Inquiétude pour la suivante. HOSKOI aussi est saturé, bateaux à couple, en triple ..  Que faire? Personne ne parle anglais. Je vais pour repartir mais un jeune gars m’invite à m’amarrer en quadruple, prend mes amarres avec un collègue, me fait signe de venir boire un tchaï. Pas de discours, pas de papiers, pas d’argent. Juste des marins qui savent qu’il vaut mieux entendre le vent siffler au-dessus des haubans derrière un quai que devant.

Maintenant nous dépendons de gens dans des bureaux qui ne connaissent rien à la voile,  font payer l’eau et l’air, t’assignent une place comme si tu conduisais une auto, regardent tes habits, ta montre, ton smart-phone pour te classer ou non dans leur catégorie bankable… Là pas de codes. Juste des humains. C’est vrai personne ne parle anglais, et ça a l’air de s’ennuyer ferme dans le village. Beaucoup de ‘motoculteurs à remorque’. Ruralité. Une noce passe, danse sur la place avec un clarinettiste, costumes et robes longues, m’invite à entrer dans le cercle (moi!!!…) Une demi-heure après tout le monde est reparti en voiture et en minibus… Je n’ai pas osé prendre une photo, une vidéo.

Pourquoi HOSKOI? Parce qu’on ne parle jamais du pêcheur d’HOSKOI, du soldat de ‘Mort Bay’ mort de soif à vingt ans parce que l’état-major avait mal calculé son coup… Oui… ici personne ne parle ni  français, ni espagnol… que le turc.

 

 

LEMNOS

Une grand île un peu à l’écart pour attendre une météo propice pour la remontée des Dardanelles, couloir dans lequel s’engouffre le vent de Nord-Est depuis Istanbul et la mer de Marmara.

Temps gris, vent d’Est, froid. Quelques photos pas très belles depuis le fort d’où la vue doit être magnifique par beau temps… Chevreuils, brebis à poils longs étonnantes et vieilles pierres turques…

LE PORT :

          

(baie côté Est…)

      

(… et Baie côté Sud, de l’autre côté du fort Ottoman et des brebis laineuses. Le bâtiment est une poudrière, enterrée pour la soustraire aux canonnades; les allemands ont repris l’idée en 1940 en maçonnant de nombreuses grottes naturelles)

BALADE DANS L’ILE :

Location d’une voiture avec Chantal et Markus. Même attirance pour les paysages sincères et beaux, pas forcément grandioses, les cafés où l’on parle à peine anglais, la gentillesse des gens… Il y a tout cela à LEMNOS qui est encore très rurale; plus d’habitants dans les campagnes qu’à EVSTRATHIOS, et dans les zones plus fréquentées même défiance envers le “tout tourisme”. On sait où ça commence… Pour l’instant quelques hôtels de plage; de nombreuses baies ne sont pas “aménagées”.

   

(tank abandonné et monastère silencieux…)

(… plage et embouchure, mouettes et bois flotté)

      

       

(théâtre en bord d’étang et tableau de Monet…)

LEMNOS ? : surtout n’y venez pas: vous vous y ennuieriez !

AGIOS EVSTRATHIOS, SUR LA ROUTE DE LEMNOS

Avec l’abandon du projet initial Nord Egée,  Mont Athos, Samothrace… il faut bien trouver une autre cohérence dans la suite du voyage. EVSTRATHIOS sur la carte, est une petite île perdue, rugueuse, peu attractive, à 40 MN de la dernière des Sporades, à 20 de LEMNOS. C’est l’île anti-touristique par excellence! Petit port bétonné, quelques vieilles maisons, quelques rues “carrées” plus récentes et sans trop de charme.

Le trajet est long, j’ai pris du retard, j’arrive la nuit, après un seul bord vent travers à 6,5-7 noeuds avec un ris! PONYO est sur un rail, et heureusement car la mer est encore un peu formée après le coup de nord des jours précédents.

A presque 22h la taverna accepte de me servir et je suis accueilli dans ma langue par Nikos, un chirurgien gréco-suisse d’une grande courtoisie, et son fils Panayiotis,  polytechnicien diplômé de Lausanne .. La seule  autre table est occupée par une dizaine de lyonnais! Je dévore! Pour une fois il y a de la raie (en friture) et aussi de la purée de fèves et du Krassi (vin) Aspro (blanc).

Le lendemain, mes amis suisses de VINARIUS, qui ont également changé leurs plans, accostent en fin d’après-midi. Eux aussi affectionnent les lieux sauvages épargnés par le gros du tourisme. Alors pourquoi ne pas rester un peu plus, aller marcher.. d’autant que le soir Panayiotis nous conseille une belle balade sous les chênes dans le nord-est de l’île?

      

       

    

4 heures de marche dans le vent sur les hauteurs; quatre heures de bonheur! La population de l’île, 150 personnes environ, est concentrée dans le port. Quelques fermes dispersées comme celle d’Odysseas et Antonia, qui arrêtent leur pick-up à notre hauteur quand nous redescendons; à l’arrière, des bidons de lait de brebis qu’ils apportent au bourg pour la fêta. Travail, vie rude, solitude, rêve d’une existence plus facile. Vue de notre côté gens bien vivants, lumineux et amicaux. Mais qui de nous supporterait leur mode de vie sur ces hauteurs, dans cette petite île au milieu de la mer Egée, malgré le Ferry, internet peut-être, et le soutien sympathique de cette petite communauté d’EVSTRATIOS?

Le soir à la taverna nous parlons avec Maria de l’île, des touristes, de l’école, des enfants. Seule taverna d’EVSTRATHIOS;  où il faut assurer pendant les mois de juillet-août, où les visiteurs stressés d’Athènes ou d’ailleurs auraient tendance à demander à ce petit territoire plus qu’il ne peut donner; et à repartir dès le lendemain… : “ah, il n’y a que ça à voir?..”. Tout le monde n’est pas à la retraite, tout le monde n’est pas disponible.

Aussi quand Maria nous demande ce que nous voulons manger et que nous lui répondons “ça dépend, qu’est-ce que vous avez?”, prend-elle le temps de nous parler un peu d’ici. En saison ça ne lui sera plus possible: les clients arrivent jusqu’à 23h et elle a quatre enfants.

 

(petit souvenir déposé par un inconnu, que nous trouvons au matin dans le cockpit de nos bateaux: des roses de jardin, divinement parfumées!)

KYRA PANAGIA, BAIE DE PLANITIS. HORS DU MONDE.

Retour vers les Sporades. Les îles au nord d’Alonissos sont protégées, à des degrés  divers qui vont de l’interdiction de mouiller à celle d’y poser le pied, voire d’en approcher.        Retour plus laborieux depuis SKYROS car le vent du sud n’égale pas son collègue du nord qui nous transporta si bien à l’aller. Arrivée tardive, dans laquelle il m’est difficile de me replonger dans le concert d’équipiers slaves qui vient d’arriver en flottille au port d’ EVTRATIOS d’où j’écris. A KYRA PANAGIA, pas question d’utiliser l’ordi, le portable, l’AIS, la VHF… Rien.

(quelques signes avant-coureurs dans le ciel)

On a tous en tête les livres de Sylvain Tesson. J’aime cet auteur. Il y a en lui un peu du London, du Melville, du Defoë, Stevenson, du Verne, auteurs dont on ne se soucie pas de savoir si ce qu’ils écrivent est réel, ni même vraisemblable, mais qui on le talent de donner à croire. Ils osent se frotter à l’aventure. Ils dépouillent l’homme de ses artifices pour le confronter à sa solitude sans le priver de sa grandeur. Et cette grandeur réveille la nôtre.

Nord de KYRIA PANAGIA, baie de PLANITIS. Grande anse à plusieurs lobes reliés par une passe étroite. Protection totale de tous les vents. Aucun réseau. Aucun bateau. Bien sûr il ne fait pas moins 30  et je ne reste que quelques jours. Mais le vent mugit au-dessus de nous. PONYO rappelle sur son ancre dans les rafales. Trente noeuds, trente-cinq; peut-être plus. Nous ne reculons pas d’un mètre. Cela permet de dormir sans trop d’inquiétude.

D’ordinaire la solitude à bord est marginale. Beaucoup à faire; à prévoir: cartes, avis des autres navigateurs, météo, blog, téléphone, SMS… en plus de la logistique du bateau,  l’annexe à gonfler-dégonfler, la cuisine, les courses, la propreté, les escales, quelques rencontres, quelques leçons de grec… Je me dis bien de loin en loin qu’il serait temps de partager ce que je vis, ce que je vois, avec quelqu’un de réel… Et puis je n’y pense plus guère, accaparé par mon périple.

   

Ici je pourrais tout aussi bien être en Ecosse, en montagne. Il n’y a pas de distraction. Rien ne me distrait d’être là, aucune présence humaine, aucune musique, pas de radio, de podcast, pas de messages, pas de recherche de mot anglais ou grec sur G-translate. Pas de recherche du tout. A part le premier jour, pas de balades à terre, de photos. Il ne reste que le solide: livres, guitare, cuisine.. Je pourrais pêcher… mais c’est une réserve, et en plus je n’ai pas vu un poisson!

‘La solitude est l’hygiène de l’âme’. Je me rends compte à quel point le virtuel a envahi ma vie. Pourtant je n’ai jamais eu la télé; je ne ‘streame’ pas; n’ai quasiment jamais visionné une ‘série’: un fossile! Pour la première fois depuis que je suis parti je me dis que j’aurais pu amener une ‘playlist’.

Le matin le vent a faibli. Quelques rafales fortes mais espacées. Un peu de soleil. Je vais aller à terre..

… essayer de capter une météo récente sur les hauteurs. Envoyer, recevoir, un message ou deux. Puis planifier la suite: Mont ATHOS? .. mais les distances sont importantes et les mouillages rares. LIMNOS, SAMOTHRACE? Dans tous les cas ce sera minimun 40 milles par jour. Un vent du sud aiderait bien. Rester ici jusqu’à mardi?

Quel bonheur d’être dans un bateau à l’abri du gros temps. Quel bonheur aussi quand le vent cesse,  cesse un peu de vous user le cerveau avec sa plainte lancinante. Ce vent qui permet de voyager. Ce vent qui rend fou.

(Le mont Athos -qu’on aperçoit de partout en mer Egée du nord- ce sera de loin …  après les surprises à la remontée du mouillage! je comprends mieux pourquoi l’ancre tenait si bien!)    

SKYROS, UNE ILE A PART

C’est ici que la mère d’Achille, la divine Téthys, cacha son fils pour l’empêcher de partir à la guerre de Troie, et que le rusé Ulysse le trouva.

J’ai hésité à y aller. Il ne fallait pas . Du vent fort, des vagues, la distance … souvent la météo sous-estime les conditions … En réalité ça a été une navigation de rêve, à plus de 7 noeuds, avec 2 ris et un génois réduit d’une dizaine de tours, 18 à 25 noeuds de vent de NE comme annoncé, plutôt régulier, faiblissant autour de 16 en soirée, de belles vagues mais une mer plutôt ordonnée, Ponyo se régale et mouille assez peu, même si l’on n’est pas tout à fait au près.

On n’atterrit pas à SKYROS-ville, sur la côte nord, mais à LINARIA au sud, là où arrive le Ferry.  Personne à la VHF, nous nous mettons au mouillage jusqu’au lendemain où j’accoste au quai du port. Aide, bon accueil, douche, eau, carburant, wifi (“ouaï-faï”..  comme disent  les grecs)… ou comment joindre l’utile à l’agréable. Je loue même un petit scooter pour aller à SKYROS, et surtout à la Chora, le vieux village en hauteur. Et c’est vraiment très beau.

       

           

                       

Pas trop de monde, juste un attroupement en bas du château car c’est le  jour de la  procession en l’honneur de St Georges,  patron  de l’île, et l’occasion de faire connaissance d’ une charmante dame mi-anglaise mi-grecque avec laquelle je sympathise.

      

J’essaye d’échapper à la cérémonie mais je suis retardé par des motifs gravés  sur une voûte de l’église qui m’intriguent, puis par le sonneur de cloches, et la procession me rattrape;  je descends la rue au milieu des autres, retrouvant cette amie de rencontre, qui a connu SKYROS plusieurs dizaines d’années auparavant  presque sans maisons entre le village et la mer.  Bye bye Johanna, it was nice to meet you!

             

Le soir ouzerie dans un coin du port avec mes voisins de quai, des Suisses avec un beau Bavaria-42-CC qu’on confondrait presque avec un Hallberg-Rassy. Plaisir des rencontres!

Le lendemain re-scooter pour aller visiter la moitié sud de l’île, sauvage, pelée, battue par les vents… Chèvres, brebis, mouettes, abeilles, et quelques uns de ces chevaux indigènes robustes et assez petits, qu’ Alexandre le Grand, qui était plutôt de petite taille, aurait montés. L’île sent la résine (d’ailleurs l’odeur rappelle un peu celle de la résine de cannabis), la brebis, le maquis. Reliefs couverts d’une végétation basse battus par les vents et vue plongeante sur de belles anses désertes.

   

     

Oui, j’ai beaucoup aimé Skyros. Ce soir dans le port il y a davantage de bateaux. Plusieurs français. Musique grecque, un enregistrement d’un concert façon Fest-Noz . Le soir je mange chez Chantal et Markus tandis qu’à côté de l’ouzerie ce sont de vrais musiciens et chanteurs qui interprètent de la musique traditionnelle…

SKIATHOS, SKOPELOS, ALONISSOS… LES SPORADES, LES ILES DISPERSEES…

Temps gris aujourd’hui au mouillage. Pourtant le temps serait idéal pour se rendre à SKYROS, plus au sud, île plus à l’écart et plus sauvage. Mais on ne peut pas toujours courir d’île en île comme un cheval de Poséidon. Et si je visitais vraiment ALONISSOS? Mais reprenons dans l’ordre:

SKIATHOS:  la sans-âme

Depuis le départ certaines îles m’ont plu, d’autres moins. Celle-ci m’a déplu. Certes le lieu est beau, le village construit en hauteur, ruelles, escaliers, maisons plutôt jolies…

                

Mais c’est une des rares îles où j’ai trouvé les habitants antipathiques, anampathiques, maussades, renfermés sur eux-mêmes. J’ai déjà rencontré cette faune à Moustiers-Sainte Marie, Lourdes, Cassis, Arzon … toutes ces villes où, que vous soyez accueillants ou non, les gens reviennent, remplacés par d’autres, innombrables, comme les vagues sans fin de la mer touristique, qui submerge tout. Qui avilit tout. Ces “incontournables” des guides! “Que faire à SKIATHOS? Où prendre un verre? La plus belle plage de rêve? Où sortir? Où manger typiquement grec?”…  Mamma Mia!.. Ah non, ça c’est SKOPELOS!!

C’est d’autant plus perceptible dans cette avant-saison. Centaines de boutiques nichées dans le moindre recoin ‘authentique’  fermées ou en travaux, vendant à peu près tout ce qui peut se transformer en euros, vendeurs-euses l’oreille vissée à leur smartphone, rues sans vie…

 

 

( Tout-en-Plàstikos! )

 

Cela disparaît en juillet et en août, quand le flot des estivants envahit les rues, quand le nombre justifie le nombre, quand  les gens achètent parce qu’ils s’emmerdent et qu’il faut avoir ‘réussi sa semaine’. Retrouver les mêmes choses qu’ailleurs, manger les dix mêmes sempiternels plats de tavernas, se baigner dans les mêmes criques surpeuplées, prendre les mêmes selfies, louer les mêmes engins de plages…

A SKIATHOS il n’y a que ça, et le vieux-village, qui n’a rien de vieux du tout, et est loin d’être le plus joli à faire à pieds.

 

SKOPELOS:  l’intermédiaire

A SKOPELOS cette sensation ne disparaît pas mais s’atténue. Malgré le loueur de catamarans sur le grand quai Ouest qui attend que je sois amarré pour me dire qu’ici c’est pour les professionnels (le quai est quasi vide) et que je dois aller en face.. Les gens sont moins déplaisants. Je cherche en vains un petit bar sympa pour boire une bière, mais ils me rappellent tous les bars de SKIATHOS et je me laisse convaincre par mes pieds pour explorer le village en hauteur. Moins de boutiques, de  RB&B, de House Maria, House Pamela, House  Daniela.. bruits de disqueuse ou de bétonnière. Surtout un village vraiment beau, habité, et un point de vue magnifique tout en haut.

       

 

       

                   

Oui, ça vaut le coup de venir à SKOPELOS, hors-saison tout au moins. Le tourisme n’y a pas tout ruiné.

ALONISSOS:  la verte!

J’y arrive le Vendredi-Saint. Tout est fermé. J’ai  choisi de mouiller dans le petit port de VOTSI, à l’Est de celui de PATITIRI, la ‘capitale’. Mini port où l’on doit s’ancrer en portant une longue amarre à terre, il n’y a pas de place pour ‘éviter’ (tourner avec le vent autour de son ancre). Immobiliser le bateau, mouiller, calculer la distance à la falaise, gonfler l’annexe, charger l’aussière flottante, l’attacher à un rocher, retourner à bord, ‘wincher’ l’aussière jusqu’à ce que le bateau soit perpendiculaire à la falaise. Idéalement il en faudrait deux… Je me dis que je ne suis pas doué, et surtout très lent. Mais un Dufour grec arrive le soir avec plusieurs équipiers et leur amarrage dure jusqu’à la nuit, annexe et lampe frontale…

16h. Petit restau au-dessus, vue sur le bateau. Et je rejoins PATITIRI par la route. J’aurais pu y accoster au quai de la ville. Un voisin suédois de SKOPELOS y est le seul voilier. Calme. Impression de ville endormie. Peu de boutiques. Des restaurants. Il est 17 heures. Pas trop envie mais je pars ‘en repérage’ pour demain vers la Chora, le vieux village tout en haut, 4 km. Pour une fois j’aurais bien pris un taxi. Il n’y en a pas. Pas de bus non plus.

Et je me laisse gagner peu à peu par le charme de l’île. Cette île est belle! Je découvre une campagne boisée, des vergers, des oliveraies, des poulaillers, des maisons qui doivent être agréables à vivre… et j’arrive à la Chora. Pour la descente on verra bien… plus tard. Le vieux village n’est pas si vieux; ou alors tout en haut. Nombreuses maisons,  un peu carte-postale mais jolies, terrasses, ombrages, vieux arbres, chemins empierrés.  En haut quelques vieilles habitations, petites, couleur pierre, qui me rappellent certains hameaux de chez moi, dans l’Aude.  Point de vue sur les deux côtes Ouest et Est impressionnant. Mais TOUT est désert. Cela ne vit QUE pendant les vacances. Le touriste repart, la vie s’arrête.

       

         

 

 

Oui c’est triste, me dit la dame de l’auberge au retour au bateau. Plus de commerces; plus de vie à l’année. Elle a connu autre chose. Le soir une cérémonie pour la crucifixion (orthodoxe) du Christ avec procession et chants a lieu à PATITIRI, me dit un professeur d’anglais à la retraite. Mais je suis un peu fatigué pour y aller puis  rentrer de nuit à VOTSI.

 

 

Aujourd’hui blog et peut-être courses ou location et visite de l’île, selon l’humeur. Il semble qu’il y ait un joli port de pêcheurs un peu plus haut à STENI VALA. Une chose est sûre: je ne regrette pas de me fier à mon instinct. De ‘perdre’ du temps où mon envie me dicte d’en perdre. Même si cette façon de vivre hors tumulte, hors tempêtes, hors injonctions extérieures… n’est qu’une interprétation de la réalité. C’est une des différences entre le tourisme et le voyage.

 

( VOTSI: en saison les bateaux se touchent tout le long de la falaise)