Psara … pas si vite.. Psara c’est loin, ça souffle et je peine à décider de l’ordre des prochaines étapes. Chios, la grande île au sud-ouest, Psara 30 milles plus à l’ouest, et Inousses 7-8 milles à l’est. Le vent sera nord, certes… Mais il faut d’abord sortir du golfe Géras. Et à force de jouer les pas-pressés j’en sors à 16 heures. Un peu tard pour une traversée de 35 milles avec assez peu de plans-B.
Donc mouillage supplémentaire et sans histoire dans l’anse de Paralia Limonario, seul à l’ancre, et l’occasion de se baigner enfin.
KARDAMILAS :
le lendemain le vent est fort, de plus en plus ouest, et j’arrive de Lesbos à Kardamilas, au nord de CHIOS, sans un ris, avec des rafales à presque 25 noeuds en comptant sur la protection de la côte et un peu de réussite pour ne pas réduire, et ça fonctionne; il y a de la place au port, et le village a l’air comme j’aime: des gens qui te laissent vivre, des enfants qui font la course avec leur vélo ou grimpent sur les statues, peu d’ ‘estrangers’…
Et l’accueil est comme souvent un mélange de politesse, d’indifférence, de gentillesse, et de disponibilité. Je prends le temps d’installer le taud, de faire le plein d’eau avec un jerrycan, il n’y a qu’une borne assez loin, et le gasoil m’est livré le lendemain au bateau par le monsieur d’une station voisine en bidons de 20 litres. En contrepartie de ces faibles commodités la place coûte.. moins de 8 euros la nuit! …
– PSARA :
La dernière (nuit) porte conseil: ce sera Psara. C’est elle que j’ai le plus envie de voir.
Si je choisis la facilité, INOUSSES, une île encore plus petite, mais qui a donné naissance à nombre d’armateurs grecs fameux, pas sûr d’avoir le courage de remonter contre un meltem furieux pour la visiter. On sait comment descendre le meltemi; le remonter est une autre affaire quand il est fort. Quand il est très fort.. on reste chez soi en attendant que ça passe; en mettant un blog à jour, par exemple.
Aujourd’hui il sera faible et plutôt contraire le long de la côte nord de Chios, puis force 5 ou 6 pour traverser de Chios à Psara. J’ai pris 2 ris, et en arrivant ça monte à plus de 25; 26, 28… Avec deux ris on est confortable!
La population de Psarà a été massacrée par les turcs en 1824 en représailles aux nombreuses actions de rébellion contre la domination ottomane. C’est une des premières à s’être soulevée avec Hydra, Spetzes.. Les quelques rescapés ont fondé une colonie à Eretria, sur l’île d’Evvia, celle de mes amis Philippe et Katia qui m’avaient si chaleureusement accueilli chez eux en avril. Katia a des ancêtres psariotes.
Le vent est fort, le vent est presque toujours fort à Psarà (l’accent est dans l’autre sens, mais allez le dire au clavier de mon Dell!). Et comme il ne va pas baisser de si tôt avec ses rafales à 30 et plus, je gonfle l’annexe pour aller à terre; prudemment: mouillage, rames, écope, moteur, réservoir plein, masque, tuba et … short de bain parce que ça va rincer. Lancer le moteur avant de lâcher les amarres, petite vitesse; en fait on remonte patiemment en longeant la côte, et on arrive à bon port pour explorer les hauteurs, le village, et la taverna où j’ai lu quelque part qu’il y avait des pâtes au homard! je crois bien n’en avoir jamais mangé… Je m’attendais à des tagliatelles avec quelques miettes de crustacés au milieu… que nenni:
(plat familial pour marin solitaire : pâtes au homard, alias Astakos , en grec, et Lobster outre-Manche) …
… faudrait voir à ne pas trop prendre des habitudes! )
(le plaisir de dire à cette dame dans mon grec misérable que je trouve son village
magnifique … et de voir son visage s’illuminer!)
Oui c’est ça qui me manque et que je cherche, une bribe par ci, une bribe par là: un monde rousseauïste où le coeur parle avant la tête; ces moments rares où les gens s’ouvrent sans calcul avant de reprendre leur chemin, sûrement heureux eux aussi d’avoir trouvé cette occasion de partager quelque chose avec cet étranger qu’ils ne reverront plus.
Le soir je m’arrête voir ‘Eleanor’, le voilier de Tobias et Michaela qui hésitaient un peu à mettre leur annexe à l’eau, parler avec eux de l’intérieur de l’île, puis Eric sur ‘Ninive’, qui m’offre une bière et qui lui ne s’intéresse pas tant à la terre qu’à la navigation, au bricolage, et à sa vie sur son bateau … j’en ai connu un autre 🙂 … petits moments précieux avec des gens différents.
Mais Psara! Comment ne pas tomber amoureux de PSARA ?…