VERS LA TURQUIE

Eh oui, j’ai pris du retard! 4 pages de journal de bord, c’est plus de 200 milles, 600 photos, dont plus de 400 rien qu’à Istanbul! En réalité il ne s’est écoulé ‘que’ 10 jours depuis que j’ai quitté LEMNOS. J’écris ces lignes du mouillage de Kalamis au sud d’Istanbul; WordPress en mode brouillon vu le forfait ‘Turquie’ anémique d’Orange, Turquie pays hors Europe, gaffe à la facture en rentrant; et le wifi de la Marina, 200m à vol d’oiseau, ne permet pas de télécharger. Mais on est dimanche et j’attends les vents du nord pour le retour; un comble!

          DARDANELLES :

Rien que le nom fait rêver. Dans la pratique c’est pourtant synonyme de vents de nord-est, c’est à dire dans le nez, et de formalités administratives (marina chère, documents d”entrée’, ‘agent’ local… rebelote à la sortie), et aussi  nombre limité des ports d’entrée possibles.

Une côte boisée avec un énorme monument moche, et une colonne blanche:  25 avril 1915; c’est d’abord le souvenir d’une hécatombe: 25000 morts français, entre 100 et 200 milles jeunes anglais, australiens, néozélandais tués pour rien dans une expédition conçue par des gens bien élevés dans des bureaux prétentieux; sans doute autant du côté turc.

Préparation calamiteuse des l’amirautés, mépris de la vie… Les alliés ont perdu.

De nos jours c’est un trafic impressionnant de pétroliers et de cargos de Palau, des îles Marshall, un rail qui ne désemplit pas et qui borne le secteur de louvoyage de nos voiliers. On ne vient pas en Turquie par hasard.

Moi si.  Jusqu’à Istanbul je ne verrai aucun autre bateau à voile.

       

          CANAKKALE :

Port d’entrée. Surtout d’entrée en matière, premier contact avec la Turquie. Ville moyenne extrêmement vivante. Habitué à une certaine austérité grecque et sans doute rempli d’idées préconçues je découvre une Turquie jeune, moderne, aisée, un mélange de filles islamisées, de jeunes femmes très sexy, et de touristes. Car CANAKKALE c’est avant tout la ville d’atterrissage pour visiter le site de TROIE; également celle de la statue du cheval éponyme, ridicule pour les uns, défi pas si mal relevé pour d’autres.

          TROIE :

 

J’entends souvent: “à Troie il n’y a rien à voir”. Nous n’avons pas tous le mêmes yeux, le même regard. Alors bien sûr je n’ai pas trouvé l’image idéale de Troie qui résumerait à elle seule la vue depuis les remparts, la porte par laquelle entra le cheval, et avec lui la ruine de la cité. Mais je vois ce qu’a vu Hélène,  Hector.. Ce même paysage qu’ils ont contemplé pendant dix ans.

Bien sûr la baie s’est ensablée, mais la mer reste visible. Il n’est pas difficile de l’imaginer du temps de Priam. Pour moi les fouilles et leur mise en valeur, et la visite du musée sont suffisamment éloquentes.

 

(Si l’on n’aperçoit guère Troie de la mer, on distingue très bien l’émouvant  tumulus de Patrocle et d’Achille… la tombe des héros)

 

 

 

 

LE MUSEE :

                  

(une belle Aphrodite qui rappelle un peu celle de Cnide, de Praxitèle,  la plus belle Aphrodite de tous les temps, dont il ne subsiste que la copie romanisée du palais Altemps à Rome)

Et puis il y a la réalité: la Marina coûte 125 euros, le chauffeur de taxi m’attend pendant que je visite, d’abord le site, puis le musée;  il faudrait tellement  plus d’une journée pour tout lire…

… et sans doute un cerveau plus récent que le mien pour fixer tout cela… Mais voyager c’est voyager avec ce que l’on a, s’accepter tel que l’on est…

Et moi je suis à Troie, et j’ai une chance folle.

HOSKOI :

.         )

Il y a peu de probabilités pour que vous connaissiez HOSKOI. Le vent de nord-est s’est renforcé et doit se renforcer encore,

il y a peu d’abris; j’ai passé la nuit précédente à SARKOI, village de pêcheurs où les gens me font signe d’entrer; mais le port est saturé, et le mouillage a l’air correct.

Erreur. Il s’avère très rouleur. Le mouillage officiel est de l’autre côté mais encore moins protégé de l’Est. Visite de la police; un jeune sergent très correct, il insiste pour voir mon passeport, pas uniquement la carte d’identité. Selon mon attitude ça pourrait déraper. Mais je suis confiant et amical, et surtout en règle; finalement ils me laissent rester là.

Mauvaise nuit. Inquiétude pour la suivante. HOSKOI aussi est saturé, bateaux à couple, en triple ..  Que faire? Personne ne parle anglais. Je vais pour repartir mais un jeune gars m’invite à m’amarrer en quadruple, prend mes amarres avec un collègue, me fait signe de venir boire un tchaï. Pas de discours, pas de papiers, pas d’argent. Juste des marins qui savent qu’il vaut mieux entendre le vent siffler au-dessus des haubans derrière un quai que devant.

Maintenant nous dépendons de gens dans des bureaux qui ne connaissent rien à la voile,  font payer l’eau et l’air, t’assignent une place comme si tu conduisais une auto, regardent tes habits, ta montre, ton smart-phone pour te classer ou non dans leur catégorie bankable… Là pas de codes. Juste des humains. C’est vrai personne ne parle anglais, et ça a l’air de s’ennuyer ferme dans le village. Beaucoup de ‘motoculteurs à remorque’. Ruralité. Une noce passe, danse sur la place avec un clarinettiste, costumes et robes longues, m’invite à entrer dans le cercle (moi!!!…) Une demi-heure après tout le monde est reparti en voiture et en minibus… Je n’ai pas osé prendre une photo, une vidéo.

Pourquoi HOSKOI? Parce qu’on ne parle jamais du pêcheur d’HOSKOI, du soldat de ‘Mort Bay’ mort de soif à vingt ans parce que l’état-major avait mal calculé son coup… Oui… ici personne ne parle ni  français, ni espagnol… que le turc.