NAVIGUER AGAIN…

Toutes ces visites, pas mal de vents contraires, voire pas de vent du tout, un équipier .. on va dire différent…  et la navigation dans tout ça?

Car si le moteur nous octroie une grande liberté, quand sa maintenance est sérieuse et régulière, il reste à bord d’un voilier un peu comme un étranger. Il ne fait pas partie de la famille, comme le baromètre, le rhum, ou le Gps.

EGINE PERDICA:

a Ça vous dirait d’aller à Egine (Aegina)?

Venant de Palaias Epidavrou, au moteur vent de face, le plus court était le port le plus au sud. Perdica.

Perdica fait partie de ces ports au demeurant charmants, que le débarquement d’une flottille sur le coup de 17-18 heures rend insupportable, comme Nydri, Vathi, Kioni … Nous sommes arrivés dans l’après-midi un mercredi: une dizaine de voiliers, amarrage “cul à quai” sans stress, bons rapports avec les voisins…

Le lendemain, une fois mon équipier débarqué pour qu’il puisse prendre le Ferry pour Athènes, ça arrive par demi-douzaines, ça mouille, ça se gêne, les ancres se superposent, dérapent, cinq ou six équipiers mais personne qui assure et les bateaux semblent énormes. Quelle différence avec ce couple rentrant son “X-yacht” dans le port de Palerme, de mémoire un 46 pieds, dans un espace hyper réduit en discutant de choses et d’autres… J’ai compté plus de 50 yachts, et beaucoup n’ont pas pu rentrer.

Ce ne sont pas les personnes que je blâme, chacun fait comme il peut, mais le système prétentieux qui permet ce genre d’ambiances. Car nous n’avons qu’un bateau, nous autres ‘owners’  (propriétaires), et il est bien petit quand ces monstres viennent s’écraser dessus avec un tout petit vent de travers et que le skipper, au lieu de recommencer sa manoeuvre, insiste bêtement pour ne pas “l’avoir ratée” , et que ça dure une heure ou plus  dans le rugissement des propulseurs d’étrave!

Arriver vite; repartir tôt; trouver un autre Perdica sur la route d’Athènes où on a loué le bateau qu’il faut bien ramener, catamaran bien lourd avec une bôme à 4m d’altitude, ou monocoque de 50 pieds au fardage de Caravelle du XVIème (prise au vent due entre autres à la hauteur sur l’eau), bar, restaurant, bar … Voir Delphes?…

Le lendemain mon voisin allemand a dégagé son ancre de celle du voilier qu’il avait sur bâbord. Tout le monde parti j’ai levé la mienne pour Poros la magnifique, autre Perdica mais suffisamment étendue pour absorber toutes les flottilles d’Octobre  (en août c’est autre chose), et j’ai pu étrenner mon premier amarrage par l’arrière en solitaire, fier comme bar-tabac!  Octobre. Quel joli mois !

POROS et GALATAS:

Je pensais hiverner le bateau au sec dans un des chantiers de Galatas. Mais ils sont loin de tout. Le ship local (shipchandler, vendeur de fournitures pour bateaux) me conseille Egine pour les travaux de résine, et j’aimerais que la coque soit nickel (dans le sens “étanche”), car en de nombreux endroits la résine était apparente lors du précédent carénage, et la peinture époxy dont je les ai recouverts n’est pas une solution durable. En plus le gel-coat, je ne sais pas qui l’a réalisé, est très mince… Egine,  ça tombe bien, j’en arrive!!!

J’irai donc demain dimanche, pour voir ce monsieur qui me paraît sérieux. Ce qui laisse l’après-midi pour découvrir Poros. D’ailleurs j’y vais. Il est déjà 15h!

 

… ET MYCENES

Je dois à deux voisins de table français d’avoir poussé en taxi jusqu’à Mycènes. La représentation que j’en avais était une porte massive et sombre, un masque mortuaire en or sans trop d’intérêt, et c’est à peu près tout.

En fait le site de Mycènes ressemble à son histoire dominatrice et conquérante. La ville, en hauteur, voit loin, jusqu’à la mer, sur presque 360 degrés, et elle est  protégé par de larges et hauts murs de gros blocs ajustés. La porte des lions donne une

 

 

 

 

 

 

 

impression de force et de puissance. Le musée, lui, est riche en poteries, en armes, en bijoux et en objets divers.

OLYMPIE ET EPIDAURE

 

OLYMPIE:

A Corinthe nous louons une voiture pour Olympie, tout à fait à l’ouest du Péloponèse. Site grandiose qui n’était pas dans mes priorités, mais qui nous a permis de traverser l’Arcadie, surtout par les petites routes.

Le site est impressionnant. Mais pas charmant. Cela séduira les personnes qui choisissent le mille-feuilles sur un plateau de petits gâteaux; mais quelques très belles découvertes tour de même:

Le stade, bien sûr, Hermès portant le jeune Dionysos, et cette fascinante tête de jeune lutteur.

EPIDAURE:

Le taxi me dépose à Epidaure avant l’ouverture de la billetterie. Seul avec les chants d’oiseaux dans le plus grand et le mieux conservé des théâtres de Grèce. Sur le rond central s’imaginer face à un public antique de plus de 13000 spectateurs.            Il paraît que l’on peut entendre le moindre chuchotement depuis n’importe quelle place des 55 rangées de gradins. Public antique pas seulement, car chaque année se tient ici un grand festival international de théâtre dans plusieurs langues.

Il reste que les gens venaient là pour se soigner. De très loin, telle était la renommée  du grand Asclepios. Bains, massages, exercice, diététique, autosuggestion… Le site est vaste comme celui d’Olympie, mais je le trouve plus élégant.

 

Le grand théâtre d’Epidaure:

(plus près de la côte on trouve aussi un ‘micro-théâtre’, mais je ne l’ai pas visité)

Le site:

En fait il faut imaginer Epidaure comme une ville de soins internationale, avec cabinets de consultations, spécialistes, hébergements, école…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’où vient qu’une statue grecque, même abimée, même sans bras, même sans visage… est belle? (ici Arthemis)

CORINTHE ET LE CANAL

Quoi de mieux pour redescendre de Delphes que la traversée d’un canal, commencé sous Néron?

Corinthe, petite ville jeune et pimpante, facile à vivre.

La ville a pour égérie Pégase, le cheval que monta Bellérophon, natif du lieu, après l’avoir dompté grâce à Athena, pour tuer la Chimère et échapper à ses flammes. Patrie aussi de Sisyphe, je crois, mais en Grèce il y a toujours une histoire à l’intérieur de l’histoire…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE CANAL:

Il permet de relier la mer Ionienne à l’ouest, à la mer Saronique à l’Est sans devoir faire le tour du Péloponèse en remontant les vents du nord qui soufflent depuis la mer Egée.

Un peu plus de six kilomètres de long, creusé dans le roc à plus de 70m par endroit; il se dit que c’est la traversée par canal au mètre la plus chère du monde … que dire de plus?

C’est chouette!

 

 

DELPHES: L’EBLOUISSEMENT !

Aurore aux pieds légers…

Le théâtre, tôt le matin

Le stade de Delphes

L’Omphalos…

(Qui a dit: “Les cons osent tout; c’est même à ça qu’on les reconnaît” ?)

Les abords de Delphes et le village:

 

 

 

 

Petite promenade dans les hauts sur le sentier qui va au mont Parnasse… eh oui tout cela existe pour de vrai.

 

Le site du temple d’Athéna, un enchantement qui disparaît avec le premier bus, un peu avant 8h et demie… Comme il est en accès libre un peu en dehors, certains y vont avant 7 heures. La veille, pour être au guichet à l’ouverture (nous n’étions que deux), j’avais pris une chambre au village.  Sans équipier je serais bien resté une deuxième nuit pour assister au lever du jour dans la proximité d’Athena.

Une merveille d’équilibre, de proportions, d’implantation, d’orientation … une demeure pour une Déesse.

απαγορεύεται αυστηρά να δίνουμε φιστίκια στους θεούς
(il est formellement interdit de donner des cacahuètes aux dieux)

Et bien sûr le très beau musée: juste quelques pièces pour donner une idée…

… quelques frises, aussi…

 

 

 

 

 

 

 

… et cet Aurige à couper le souffle: il n’a que 24 siècles !

Delphes, Olympie, Epidaure, Mycènes… comment rendre compte ou simplement garder une trace de la beauté intacte de ces lieux, tôt le matin, avant l’odeur et le bruit des bus, les groupes badgés, les seniors en habits ‘techniques’… “dérision de nous dérisoires, chantait Souchon… Chants d’oiseaux au théâtre d’Epidaure, bruit du vent dans les arbres de la source Castalie, lumière oblique sur les colonnes de Delphes, oiseau décollant d’un temple en ruines d’Asclepios, temple d’Athena ouvert comme un regard sur la vallée, aurige concentré sur sa course, statue d’Arthemis la belle (était-elle rousse, brune ou blonde je l’ignore…) La beauté est partout et il y a toujours un moment où les Dieux acceptent de se montrer à celui qui vient de loin, avec son coeur et avec son bateau.

Car la beauté est aussi dans ce chauffeur de taxi qui parle de sa famille… et aussi d’Erdogan, de Rome et de Byzance, des yachts des milliardaires et de ses clients russes.

 

NAFPACTOS, (LEPANTE)… UN PETIT BIJOU; TRISONIA; GALAXIDI

LEPANTE:

Il en est passé, du monde, par ce petit port, à commencer par Miguel de Cervantes qui y perdit la main gauche,

quoi que la bataille éponyme se soit déroulée parait-il un peu plus au nord, dans le golfe d’Oxia, le 7 octobre 1571, il y a 452 ans presque jour pour jour, entre les turcs d’Ali Pacha et une coalition chrétienne victorieuse commandée par Juan d’Autriche   … un très beau tableau; une sacrée hécatombe, aussi!

TRISONIA:

Un “must have seen” que je ne comprends pas bien: “tu as vu Trisonia, au moins?…” Ile jolie, port agréable, un peu suranné, un peu figé, en cette saison, comme ces endroits qui ont connu leur heure de gloire, tenant parfois à un groupe d’amis, un effet de mode éphémère  un peu vidé de sa substance; deux-trois maisons-gîtes louant des voiturettes; peu de sentiers…

GALAXIDI:

Galaxidi c’est autre chose: l’endroit parfait pour laisser le bateau et visiter Delphes; un très joli petit village, agréable à vivre, pour se balader, et refaire le plein…

 

 

Une petite maison sur l’eau pour les petits baigneurs,

une façade de taverne un peu ‘carte postale’,

un oratoire comme on en rencontre partout en Grèce, entretenu ou pas, attenant à un édifice ou non, en bordure de route bien souvent…

 

PATRAS

Cela commence comme ça:

Et l’orage brutal du soir se poursuit par des rafales violentes de vents catabatiques à plus de 30 noeuds.

Dans un régime de vents du nord qui descendent de chaque côté de la Grèce, le bateau se retrouve bloqué par des rafales sud-est contre le quai (j’ai mis des planches pour protéger les pare-battages)… La question est: serai-je à Patras demain?

Le matin le vent n’a guère faibli; je tente seul un départ sur garde, qui pourrait peut-être aboutir si le bateau de pêche derrière n’était pas aussi près de Ponyo, et en plus écarté du quai par d’encombrantes aussières. Me voilà tentant de déplacer le bateau à la main … Heureusement Christos de la Taverna Capitan-del-Mare, chez qui j’ai mangé la veille  vient me donner spontanément un coup de main:  “j’ai un bateau!” me dit-il…

 

 

 

 

 

 

…Et me voilà parti… dans du force 5-6 pas si catabatique que ça et surtout non prévu par la météo. 2 ris, 1 bout de génois, et entrée dans un port de Patras sans aucune place disponible sauf contre un quai au vent dans un clapot infâme …

Patras ville qui m’apparaît très jeune, branchée, avec ses avenues carrées, sans coeur de ville ancien … d’ailleurs je m’aperçois que je n’ai presque pas pris de photos. Pas d’accueil; pas de services; pas de gasoil (le plein en taxi avec des jerrycans);  une marina déglinguée à l’organisation pas très claire.. mais un équipier tout neuf…

 

… et une vue sur le pont à 4 piliers de Rion-Antirion:

Oui, je sais, on n’en voit que trois… Quand on demande l’autorisation de passer, on nous envoie une réponse favorable du style: “3 piliers à gauche, 1 à droite” pour préciser la voie, car il y a du monde, de la vague, et une belle accélération du vent, du courant…

 

 

 

RACONTE-MOI KRIONERI…

Ormos Oxia, immense baie où tout le monde s’arrête avant ou après la traversée du Golfe de Patras, à moins que ce ne soit MISSALONGHI, ville lagunaire situé au bout d’un long chenal étroit dragué à 8 mètres,  flanqué de maisons de pêcheurs sur pilotis, et d’oiseaux de mer (cormorans, goélands, pélicans..) … qui parfois ont pied!

 

 

Le port est quelconque. La ville pas désagréable, mais les courses faites rien ne m’y retient. J’ai repéré un petit port à l’Est,  un peu à l’écart; il s’appelle KRIONERI (les eaux froides). On est le 6 octobre, et le 8 je dois récupérer mon 1er équipier, Bernard, à Patras, juste en face. L’après-midi est déjà bien avancé, mais c’est une affaire de 15 milles, allez, 4 heures, en comptant la traversée du chenal à 3-4 noeuds au moteur dans l’autre sens,  puis, une fois sorti de la zone limoneuse qui déborde largement la côte, on envoie les voiles par un petit vent de 10 noeuds dans le bon sens, mais qui doit faiblir en soirée…

Le bateau file à près de 6 noeuds, toutes voiles dehors et on est tranquille comme Baptiste.

Quatre heures plus tard le vent n’est plus qu’un souvenir, on avance à moins de deux noeuds  voiles en ciseaux, il  reste cinq  milles à parcourir et il est presque 19h heure locale.

Autant dire que le temps de ranger et d’arriver je peux faire une croix sur la taverna, s’il en reste une ouverte en cette saison…   Enrouler le génois, affaler et ranger la grand-voile, les écoutes, la drisse, allumer le  moteur. Puis les préparatifs d’amarrage ET de mouillage, car le quai public est très petit,  il n’y a de place que pour deux-trois bateaux tout au plus. Jumelles.

Imagine :

Le vent, le soleil et le soir tombent, synchrones. Tu allumes le feu en tête de mât; puis c’est la nuit. La lune, à peine décroissante n’est pas encore levée. Feux de route vert et rouge. Le bateau roule doucement. On ne distingue d’abord que les lumières du port.  Puis des bateaux de pêche le long du môle unique perpendiculaire à la côte. Ne pas oublier de guetter les filets. Pas de voilier en face, sur le court quai public.  Ce sera un amarrage, de nuit, solo, tu ne l’as jamais fait, mais tu as confiance; tu as une aussière à chaque pointe, plus une longue garde qui court entre les taquets avant et arrière, avec du mou pour pouvoir sauter à terre et contrôler les deux bouts du bateau, plus des pare-battages sur tribord, côté où tu vas atterrir … reste à savoir s’il y aura de quoi s’attacher. Pas de casier, pas de débordement rocheux, un oeil sur le sondeur, un sur le traceur… Impression soudaine plus nette du port, des distances…

Et tu arrives. Dans le silence du soir.

Il y a au moins une bite d’amarrage; des bidons qui flottent à tribord. Ne pas aller plus loin que le bout du quai, il y a un récif. Arrondir… pas trop tôt… pas trop tard.. petit coup de barre.. surtout que la manette des gaz soit au neutre.. un couple te propose gentiment de l’aide, mais tu es déjà sur le quai avec la garde dans chaque main; Ponyo brille de toutes ses jolies lumières. Au fond tu sais que ça n’était pas si difficile; ça n’en est pas moins beau.  Le reste, régler les aussières, les passer en double, une garde, éteindre feux et instruments… tu as toute la nuit.

Pour le moment, tu es heureux. C’est juste le temps du bonheur.

La taverne est éclairée. Les “crevettes saganaki” seront délicieuses. La lune s’est levée; il fait doux; et la falaise verticale après ces paysages d’estuaire, nous porte à élever notre regard.

Il y eut une nuit et il y eut un matin…

Il y a des endroits dont on a du mal à s’arracher. Krioneri en est un. Le village, si l’on est objectif ne casse rien. Petit port sans commerce. Des maisons. Une petite station balnéaire qui doit être remplie l’été, plages et parasols, maisons secondaires, mélange de vieux et de jeune, des parcelles d’arbres détruits par le feu…

Mais un site d’une grande beauté, qui n’est pas surexploité touristiquement. Et un joyau, comme j’avais déjà découvert avec émerveillement qu’il en existait ailleurs que dans les livres de Verne ou de Defoë, en Italie, à Cefalù  et à Syracuse… une source à fort débit tout près de la falaise Est, en bordure de plage… “et l’eau était si claire que je m’y suis baigné… il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai…”

Et je m’y suis baigné. C’est très étonnant: j’y suis venu à la rame avec les palmes le masque, le tuba… L’eau (de la mer) est encore à 27 degrés, peu profonde, et je me suis dit en nageant vers la rivière qu’elle allait devenir de plus en plus froide. Puis je me suis aperçu en nageant le crawl que seuls mes bras avaient froid. Qu’il suffisait de nager sous la surface où surnage l’eau fraîche, question de plus faible densité de l’eau douce, je suppose…

… et j’en ai profité pour me laver les cheveux à l’eau de source 🙂

Seule déception: on ne voit pas les poissons sur les photos de la rivière!

 

 

DE CHOSES ET D’AUTRES (2)

D’EPHIMIA AU DELTA DE L’ACHELOOS…

D’EPHIMIA (photos de l’orage) au port de SAMI au sud, de l’autre côté de la baie, il n’y a que quelques milles; quelques années, surtout. On ne peut pas dire ville ancienne et ville nouvelle, car depuis le tremblement de terre de 1953 les “villes anciennes” se comptent sur les doigts de la main.

                    (Maniphifico …)                                            

 

Le site de SAMI est magnifique; un balcon sur la mer, les îles, l’éternité… Seulement…  c’est avant tout un balcon pour capter l’argent du tourisme: ferries, grande marina sécurisante pouvant accueillir les flottilles, armada de restaurants de bords de plage avec menus en anglais traduits en grec (humour)… Je me suis donc mis au mouillage.

 

Il y a d’autres raisons à cela; d’abord je ne maîtrise toujours pas l’amarrage “cul à quai” :  lorsqu’on est seul, mouiller son ancre devant, reculer dans l’axe en gérant le vent, le déroulement de la chaîne, stopper à bonne distance, envoyer les amarres arrières  à quai, reprendre de la longueur au guindeau… Que la chaîne se coince, que l’ancre ne croche pas, que le bateau soit déporté en marche arrière, ou qu’il n’y ait personne pour attraper  mes aussières… je fais quoi?

Ensuite, une certaine distance de la côte vous protège du bruit, et le départ sur ancre est immédiat: on remonte l’annexe, parfois aussi le moteur hors-bord (mais les rames permettent de faire un peu d’exercice) … et on s’en va.

Une belle taverna à 2 milles nautiques à l’ouest en annexe, une bonne nuit de sommeil …  Sami est déjà oublié.

Mais je suis tellement las de cette faune touristique aseptisée que je décide d’aller à Astakos, complètement à l’Est, sur le continent, port réputé situé en-dehors de l’autoroute Lefkas-Patras, avec quand même un mouillage intermédiaire à Ormos Pera Pigadia au sud-est d’Ithaque.

 

 

 

(une ferme marine à l’entrée du golfe)

 

 

 

ASTAKOS:

Merci à ce port charmant, tranquille, à l’ambiance familiale (tout au moins en septembre), d’avoir su rester si résolument grec,  sans pour autant ressembler à un musée. Petite station à l’ancienne, certes  mais offrant une place à tous, vacanciers, locaux,  baigneurs, pêcheurs…   pour la ‘saison’ et pour la vie de tous les jours.

Preuve que la Grèce n’est pas forcée de vendre son âme à un certain tourisme (mais à quels grecs profite-t-il?)

Cela dit les prix ont carrément flambé dans tous les secteurs depuis une demi-douzaine d’années et les grecs ont du mal à s’en sortir;  la traditionnelle “philoxenia” (accueil de l’étranger) cédant peu à peu le pas au principe de réalité.

PETALAS: “l’essentiel est invisible pour les yeux”

Seul au monde. Paysage de zone humide immense; fermes marines; fond boueux, biodiversité, balade à pied sur la colline, poiriers sauvages (merci Laurie), terrains karstiques couverts de sauges boudée par le bétail et paysages d’îles et de plaines cultivées à perte de vue.

(Vue sur la zone humide du delta de l’Achiloos)

Le bonheur. Quand la vue se perd dans la lumière du soir, qu’aucun impératif ne vous impose de rentrer à un moment précis; que le bateau vous attend, en contrebas, sagement…

Ce bonheur- là, cette paix profonde d’être là, n’est pas immédiate et s’apprend, peu à peu. Dans l’agitation de la vie, que j’ai bien connue, rien ne vous y prépare. Il faut toujours qu’on manque ou qu’on aie peur de quelque chose. C’est le cadre social, qui vous dicte vos déplacements, vos obligations, vos comportements, vos désirs et vos satisfactions. Conditionnement ô combien profond. La plupart d’entre nous ne connaîtront pas autre chose, tant est éradiqué dès le plus jeune âge tout désir de ‘planer’, dans la salle de classe comme sur la route, et le cerveau sans cesse stimulé, publicités, musiques, information, circulation, medias…

 

 

 

 

C’est ce que bon nombre de marins exportent malgré eux partout où ils passent.

 

Il faut des lieux sans hommes pour se laver la tête, pour retrouver l’essentiel, pour se retrouver.

 

Aussi le voyage, tout voyage est-il d’abord un voyage intérieur. Ce qui le différencie  du tourisme.

“On”.. (qui se fait l’avocat du diable!) .. me dit que l’évolution actuelle du monde serait inévitable, que les générations futures ne souffriraient pas de l’absence d’un monde qu’elles n’ont pas connu, qu’il ne sert à rien de vivre dans le passé et de vouloir retrouver une Grèce qui n’existe plus. J’entends bien… et personne ne fera revenir les indiens d’Amérique, le foisonnement  animalier qu’on trouve dans les premiers  “Tarzan”, ni le tigre de Tasmanie … D’ailleurs le ‘dodo’ (raphus cucullatus) nous manque-t-il ‘vraiment ‘?

Mais qu’ont fait toutes les générations qui nous ont précédé(e)s à part nous transmettre des valeurs, de Cervantes à Victor Hugo ou Dickens,  d’Hugo Pratt à Miyazaki,  François Bourgeon, ou Benjamin Flao,  de l’Usage du monde à l’Eté grec en passant  par Alexandra David Néel , Joséphine Baker, JRR Tolkien ou même JK Rowling?…

Militer contre la laideur.

La magie est partout.