EPILOGUE

(le vent)  (le poète chante)    ( puis le vent)

LA REMONTADA :

“This is the end…” C’est la fin; la fin de quelque chose en tout cas.  J’écris d’Egine, où je suis arrivé sur des chapeaux de vagues, chassé des petites Cyclades par le mauvais temps, l’incertitude de pouvoir remonter ce Meltem furieux  depuis IOS, et aussi ce changement de saison, d’atmosphère…

J’avais pensé explorer tranquillement SIKINOS, FOLEGANDROS, MILOS, puis remonter vers SIFNOS, SERIFOS, KYTHNOS, KEA .. mais je tire un long bord jusqu’à SIFNOS, dans la jolie et déserte baie de Vathi, force 7 annoncé. Puis un autre jusqu’à KYTHNOS (dans la jolie-et-déserte baie d’Apokrisi ! .. nouveau force 7 annoncé!).  A chaque fois nous échappons au plus gros de ces coups de vent rapprochés, dans le 25 noeuds d’accalmies relatives, ainsi jusqu’au Cap Sounion, dernière grosse étape avant Egine: 3 ris, 30 noeuds, 30 milles… La météo est assez fiable; mais la couleur dominante des cartes reste l’orange, entre 5 et  7.

Il faut dire que les petites Cyclades qui défilent sur tribord ne m’attirent pas. Iles petites, pelées, toutes assez semblables de loin, un seul village blanc sans trop de vie, qui donnent plus envie de passer que de séjourner. Venir s’y perdre en plein été une semaine pour déconnecter de la ville, de son travail, d’habitudes vidées de sens, est un concept qui m’angoisse.

  (Veste de quart offerte par les frangins!)      (Baie de Vathi)

Et je découvre que le hors-saison n’y est pas non plus ce retour à la normale qui rend les choses charmantes et plus calmes. Ces îles n’existent que par le tourisme. Le tourisme parti il ne reste rien. Seuls semblent l’ignorer ces gros catamarans attardés qui remontent vers Lavrion (ou qui sont remontés par d’autres, les clients se bornant à descendre au portant, et parfois rentrent au moteur). Leur fait-on croire qu’en novembre ils auront les Cyclades pour eux seuls? La météo de cette année est-elle particulièrement rude? Ai-je perdu la foi?…  Va savoir.  En discutant avec d’autres marins il semble bien pourtant que la saturation soit exponentielle et son augmentation sensible à l’oeil, maintenant d’une année sur l’autre …

(… mais j’ai élagué mon article; pour le vider de sa colère,  à quoi bon dire? …  Never complain)

EGINE :

Egine! enfin!…  Egine,  restée telle que je l’ai quittée. En arrivant avec PONYO nous  avons longé le chantier; mais il y a un problème de grue, on ne peut nous mettre sur ber.  La semaine à venir on annonce encore du gros vent. Je me dis bien que c’est ballot. Puis que c’est plutôt une chance d’attendre au port, au quai, en avance de trois semaines. Je vais pouvoir préparer le bateau, faire quelques réparations, en vue de l’année prochaine, en étant stationné en ville plutôt qu’au chantier au milieu de nulle part, louer un véhicule. Lézarder!

Egine est vivante. Sans doute aussi insupportable en juillet-août-septembre qu’une autre. Mais extrêmement agréable à vivre maintenant, comme en mars, en avril. J’y retrouve Nicolas, d'”Arigato” qui hiverne son bateau au chantier voisin et qui repart demain après être tombé dans l’échelle de descente de son voilier (ambulance, urgences d’Athènes, des pansements partout mais ayant visiblement échappé au pire), avec lequel nous passons une excellente soirée!

     

On parlait hier de la chance que nous avions eue de concrétiser la plupart de nos objectifs, malgré nos erreurs qui auraient pu n’importe quand mettre un terme à notre voyage. Je repense à Istanbul, à Tinos, et à d’autres péripéties, à leurs possibles conséquences. Le métier rentre peu à peu; la chute de Nicolas rappelle qu’on se doit  d’être vigilant en permanence, que seul on est extrêmement fragile, qu’il faut croire à son étoile, bien sûr, mais pas se reposer dessus. Aussi qu’il y aura toujours un risque.

On peut mourir d’une balle perdue, d’une sortie de virage en se rendant aux champignons… (sans parler des champignons eux-mêmes, bien entendu)!

Mais une chose est sûre: on ne peut pas vivre ses rêves sans donner quelque chose en échange.

En avoir la possibilité est déjà une grâce du ciel, ce ciel parfois si beau qu’il en est presque douloureux.

C’est encore vers lui que se tournent les marins, les vrais les faux, les touristes, les mamies et les jeunes filles quand le jour tombe et que les téléphones portables essaient de capturer quelque chose d’aussi  fugace et insaisissable que le soleil couchant.

“Chic planète! Dansons dessus!”   (Hubert Mounier).

 

 

 

 

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